D’une jeunesse difficile à une disparition soudaine, Patrick Dewaere est un acteur qui a marqué à jamais sa génération. Fougueux et fragile, retour sur la carrière d’un acteur au talent immense.
Acteur par obligation
Dés son plus jeune âge, Patrick est poussée par sa mère, Mado Morin, à jouer sur scène. Avec ses frères ils forment un groupe les « Petits Maurins », ces derniers gravitent autour de leur mère qui est artiste lyrique, elle oblige ses enfants à multiplier des représentations en tout genre. Au théâtre, à la radio, la télévision, au cinéma, aucun enfant n’y échappe. Patrick va cependant préférer les planches aux bancs de l’école. En 1956 il intègre la compagnie de Jacques Fabbri, puis s’illustre dans des petits rôles au cinéma (La Madelon 1955, Je reviendrai à Kandara 1956,ou encore Paris brûle t-il ? 1965). Sa mauvaise relation avec sa mère et la concurrence avec ses frères le pousse à partir du foyer familial, en quête d’indépendance.
Le çafé de la Gare
C’est en 1968 qu’il fait la rencontre de Miou-Miou, Coluche, Romain Bouteille qui deviendront sa nouvelle famille. Ils font tous ensemble des pièces de théâtre et cultivent une amitié et un professionnalisme qui durera dans le temps. C’est le moment où Dewaere, de son vrai nom Bourdeaux, va vivre une des périodes les plus réjouissante de sa vie. Cantonné à des rôles de jeunes premiers romantiques dans des téléfilms, il découvre qu’il fait rire. Cette révélation au théâtre va lui donner la confiance et l’entrain dont il a besoin pour faire une grande carrière.
Un chef d’oeuvre qui ouvre la voie
C’est avec le film Les Valseuses (1974) aux côtés Gérard Depardieu que Patrick Dewaere se révèle au grand public. Dans ce film il interprète un jeune voyou sensible qui a soif de liberté. Ce rôle marquant lui confère une place de jeune acteur prometteur du cinéma français. Il va souvent s’illustrer dans des rôles de personnage déchus et sensibles comme Adieu poulet (1975), Préparez vos mouchoirs (1978), Coup de tête (1979) ou Série Noire (1979). Son talent, son jeu très naturel et puissant lui permet d’asseoir un statut d’acteur reconnu.
Il peut par conséquent être sélectif et cherche souvent à donner sa chance à des premiers films de réalisateur. C’était le cas pour La meilleure façon de marcher (1976) de Claude Miller. Ainsi, Patrick Dewaere travaille progressivement avec de grands réalisateurs comme Bertrand Blier, Alain Corneau, Claude Sautet ou Jean Jacques Annaud. Par ailleurs, il a une relation très fusionnelle et explosive avec Miou-Miou qu’il rencontre en 1971, ils donneront naissance à une fille : Angèle Herry née en 1974.
Toujours nommé jamais sacré
Cependant, on offre fréquemment à Patrick Dewaere des rôles que Gérard Depardieu a refusé. Il passe sans cesse après le grand monstre du cinéma français. Cette rivalité débuta même durant le tournage des Valseuses, Patrick soupçonnait Gérard d’entretenir une liaison avec son aimée. Fou de jalousie, il n’hésita pas à démonter la porte de chambre de l’acteur. Il est nommé cinq fois de suite pour le César du meilleur acteur et une seule fois pour le césar du meilleur acteur dans un second rôle, malheureusement Patrick n’obtiendra jamais la fameuse récompense.
Le fait qu’il ne soit jamais récompensé et sa rivalité avec Depardieu ne vont pas arranger ses penchants pour la drogue et le suicide. Dans le film Un mauvais fils (1981), Depardieu était initialement prévu pour le rôle, mais Dewaere se prête mieux au rôle : il joue un ancien drogué qui a de mauvaises relation avec son père. Il est brillant mais le journaliste Patrice de Nussac va parler de sa vie privée publiquement, cela lui vaudra une rouste inouïe de la part de l’acteur. Le journaliste finira à l’hôpital dans un piteux état et tachera le succès médiatique de Patrick. Cela donne une idée de l’impulsivité et la sensibilité de l’acteur.
Le sommet de son jeu est atteint dans des films différents, néanmoins on retient souvent ceux qui sont obscurs, notamment Série Noire (1980). Dans la scène d’ouverture, Dewaere, dans un terrain vague, laisse libre court à son imagination : sans dire un mot, il nous scotche par la force et la capacité d’improvisation de son jeu.
Musique et fin tragique
Patrick Dewaere est un véritable mélomane. Il est saxophoniste, guitariste et pianiste. Il compose même en 1976 la bande originale du film F… comme Fairbanks. Ces vélléitées de musicien l’ont même amené à sortir un album en 1971 avec France Hardi. Les paroles sont de Sotha (sa compagne de l’époque) et le disque s’intitule T’es pas poli. Malheureusement, l’album ne marquera pas les esprits. Il sortira deux autres titres originaux dans les années qui suivent, mais ce sera le même échec commercial. Le loser magnifique dira à propos de la musique « Dans ce domaine comme dans les autres, je suis nul ». Au fur à mesure des années, Patrick se fait aspirer par la spirale infernale de la drogue et trime sentimentalement.
Alors qu’il s’exerce pour l’interprétation du boxeur Marcel Cerdan pour un nouveau film de Claude Lelouche, il reçoit un appel lui révélant la liaison de son meilleur ami Coluche avec sa fiancée Elsa. Le choc est trop dur, l’acteur se tire alors une balle avec le fusil que son fidèle ami lui avait offert. C’était en 1982, Dewaere au sommet de sa gloire, avait seulement 35 ans.
Un formidable documentaire sera diffusé Vendredi 21 octobre sur France 5 à 21h. Le documentaire réalisé par sa fille, Lola Dewaere, révèle une vérité saisissante sur cet homme écorché. La Bande originale est aussi envoutante que la voix off de sa fille Lola. Francis Huster explique la fin tragique de son ami avec ces mots « la première porte que tu ouvres dans ta vie c’est le ventre de ta mère, et c’est à toi de refermer la dernière porte. Et je ne pense pas que Patrick ai voulu refermer la dernière porte, il a voulu la claquer mais pas la refermer ».
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