Le régime islamiste iranien se heurte à un mouvement de protestation inédit, cette escalade de violence pourrait donner naissance à une révolution
Situation actuelle
L’historien Stéphane Dudoignon, directeur de recherche au CNRS et expert du monde islamique, a confié au journal Le Monde son inquiétude face à la situation iranienne. Il a déclaré « on a parlé de protestations. Un mois plus tard sont apparus les termes de soulèvement et d’insurrection, y compris dans certains médias officiels. Depuis trois semaines, il est question de révolution de 2022 ». Aujourd’hui on recense plus de 326 manifestants tués dans la répression du mouvement depuis le mois de septembre, selon l’ONG Iran Human Rights. Parallèlement, les ONG internationales ont estimés plus de 15 000 opposants au régime détenus dans les prisons, on y trouve des journalistes, des militants, des artistes. Aujourd’hui la répression du gouvernement sêvit dans les régions kurdes, qui représente une minorité du pays.
Masha Amini : l’élément déclencheur
L’insurrection populaire a commencé à cause du décès de Masha Amini le 16 septembre dernier. C’est la police des moeurs, police de « la moralité », qui a passé à tabac cette jeune femme, la pauvre femme est morte à la suite de ses blessures, trois jours après à l’hôpital. Elle est depuis devenue une icône, elle symbolise la volonté du peuple qui se bat pour plus de liberté.
Le soulèvement de la jeunesse
Au sein de cette société en pleine crise économique (50 % d’inflation, taux de chômage des jeunes à 27%), la mort de Masha a été un véritable cri d’alarme pour la société iranienne en mal de liberté. Et plus particulièrement chez les jeunes. Ce sont ces jeunes (15-23 ans) qui tiennent à bout de bras ce mouvement inédit, ils se montrent particulièrement fougueux et courageux lors de leurs affrontement avec la police du régime. Autre aspect nouveau, c’est l’engagement des jeunes hommes qui ne cessent de défendre la liberté des femmes dans la rue, jusqu’à en perdre la vie.
De plus, ces jeunes ont la maitrise des réseaux sociaux et prouvent ainsi au monde leur distinction du régime iranien, ainsi que leur désir de liberté, leurs aspirations similaires aux jeunesses du reste du monde. Le régime se retrouve dans une impasse : faire des concessions à cette jeunesse, (impossible car signerait leur échec et ouvrirait la porte à davantage de concessions, ce qui peut fragiliser toute l’architecture de la républiqe islamique), soit toujours plus de répression par la violence.
Le résultat d’un long chemin
Il faut revenir à la révolution iranienne de 1979 pour mieux saisir la situation actuelle. C’est le moment où L’ayatollah Khomeini, guide de la révolution islamique, a interdit la plupart des libertés des femmes. Ces dernières perdent alors la majorité des droits qui leurs étaient octroyés jusque là. Depuis c’est un régime islamique autoritaire qui impose son pouvoir. Le nouveau président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi élu en 2021 avec l’Ayatollah Ali Khamenei dicte à la population la façon de se conduire, avec notamment la police des moeurs qui a dorénavant carte blanche. Cette police veille au bonnes moeurs et contrôle la tenue vestimentaire des femmes : les manteaux trop courts, le vernis à ongle, les pantalons moulants ou de couleurs trop vives sont bannis. Le risque va d’un simple document à signer pour se remettre dans le droit chemin, jusqu’à se faire battre à mort, comme c’est arrivé pour Masha Amini.
Les femmes depuis 1979 ont organisés les de nombreuses campagnes pour revendiquer leurs liberté. Leur manifestation « Ni foulard, ni coup de poing » est resté gravé dans les mémoires. Elle était un cri de révolte contre l’obligation du voile, on retient aussi les « voiles blancs » qui s’inscrit dans la même veine, ou encore la protestation pour que les femmes accèdent aux matchs de football. Ces dix dernières années ont donc été le théâtre d’un ralliement féminin, qui exige d’avoir les mêmes libertés que les hommes. Au même titre, elles défendent des revendications comme la garde des enfants en cas de divorce, le droit de voyager sans l’accord du mari ou même la loi de protection de la famille.
Les martyrs et les symboles
En plus de Masha Amini, un certain nombre d’images s’imprègnent dans la mémoire des iraniens. Le mercredi 16 octobre le petit Kian Pirfalak, 10 ans, est mort, victime d’une balle tirée par un membre des forces de sécurité. Il revenait de l’école en voiture avec son père. Les policiers, comme à leurs habitudes, n’hésitent pas à tirer à pleine balles sur la foule. Le jeune garçon est mort. Un peu plus tard, une des plus grandes actrices iraniennes Kataneh Afshar Nejad, a réagi en pleurs, et a enlevé son voile pour montrer son soutien au mouvement.
Un autre symbole est à présent pratiquer dans les rues de Téhéran : inverser le turban des mollah. Les mollah sont les gardiens de ce régime théocratique chiite, responsables de grandes institutions d’autorité. Les jeunes notamment, apparaissent dans des vidéos, en train de faire tomber de leurs têtes ces haut de forme orientaux. Dernièrement vendredi 18 novembre, l’incendie de la maison de l’ayatollah Khamenei, perpétué par les opposants, a été un symbole marquant. La jeunesse souligne ainsi leur volonté de séparer la religion du pouvoir et surtout de s’affranchir des lois islamiques.
Nous sommes passés d’un mouvement avec pour slogan « Ni foulard ni coup de poing » en 1979 au mouvement « Femme, vie, liberté » en 2022. Bien que ce soit la même racine, Il y a une différence entre les deux. Devant un régime aussi radical, la jeunesse fait preuve d’une volonté d’affranchissement jamais égalée, et emporte avec elle les générations plus âgées. C’est la prise de conscience d’un peuple qui s’exprime par positivisme et plus par la négation. C’est un mouvement au départ féministe, qui voit grandir en ces rangs de nombreux hommes qui se battent pour le même combat. Avec les réseaux sociaux et le ralliement des générations et des sexes, ce mouvement est susceptible de renverser le régime.
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