Plusieurs médias internationaux ont révélé les dérives de l’entreprise américaine Uber entre 2013 et 2017. Voici 5 éléments pour comprendre l’affaire qui touche aussi la vie politique française depuis ce dimanche.
Qu’appelle-t-on les « Uber Files » ?
Il s’agit de presque 125 000 documents qui datent de 2013 à 2017 et concernent les pratiques de lobbying d’Uber. Parmi eux, on retrouve des e-mails, des messages des dirigeants de l’entreprise américaine, des présentations, des notes et des factures. Ils ont été révélés par le Guardian avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Les « Uber Files » ont ensuite été publiés ce dimanche par plusieurs organisations de presse dont le Washington Post, Le Monde et la BBC.
Des pratiques de lobbying agressif
Le géant des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) aurait cherché à faire peser son influence et à modifier des réglementations en sa faveur. Franceinfo indique que pour cela, Uber a dressé une liste d’environ 1850 « parties prenantes » dans plus de 30 pays. Il s’agissait notamment de fonctionnaires en exercice dont des oligarques proches de Vladimir Poutine ou d’anciens fonctionnaires comme d’anciens collaborateurs de Barack Obama. Uber comptait aussi sur des groupes de réflexions et groupes de citoyens. En 2016, l’entreprise a ainsi dépensé environ 90 millions de dollars dans ses activités de lobbying.
En France, le géant américain a par exemple fait parvenir des propositions d’amendements au député socialiste du Maine-et-Loire Luc Belot en janvier 2015. Celui-ci les modifie alors légèrement avant de les déposer. Ces textes servent par la suite à Emmanuel Macron pour critiquer la loi Thévenoud qui « n’a pas trouvé le bon équilibre ».
Emmanuel Macron pointé du doigt
Celui qui était alors ministre de l’Economie faisait partie du réseau du géant américain. Emmanuel Macron aurait conclu un accord avec son PDG Travis Kalanick pour faciliter l’implantation d’Uber en France. Le but était que « la France travaille pour Uber afin qu’Uber puisse travailler en et pour la France ». Selon l’accord, Uber devait arrêter son service UberPop en l’échange d’une simplification des conditions nécessaires pour obtenir une licence de VTC. Ainsi, dès 2016, la durée de la formation des chauffeurs passe de 250 heures à seulement 7 heures.
Quand le ministre de l’Economie reçoit par la petite porte des représentants d’Uber, il n’y a aucune traçabilité possible. Ce que nous réclamons, c’est de savoir qui rencontre qui et pour parler de quoi.
Béatrice Guillemont, directrice de l’association Anticor au Parisien
La stratégie du chaos
La stratégie du groupe est désignée comme une « pyramide de merde » de procédures judiciaires. Uber avait alors pour but de contourner les législations à travers une véritable « stratégie du chaos » pour s’imposer sur le marché. En janvier 2016 par exemple, alors que les taxis parisiens manifestent contre les dérives des VTC, Travis Kalanick réplique. Il écrit notamment « Désobéissance civile. 15 000 chauffeurs. 50 000 passagers. Une marche pacifique ou un sit-in. » Alerté sur la présence de casseurs d’extrême droite dans les cortèges précédents, il répond avec la phrase « La violence garantit le succès ». Mais ces stratégies ne se limitaient pas à la France et ont été employées dans une quarantaine de pays.
Le « kill switch »
C’est l’une des pratiques à laquelle Uber a eu recours en étant à la limite de la légalité. Le kill switch permet de bloquer les données de l’entreprise pour éviter que la police ne puisse y avoir accès en cas de perquisition. L’entreprise américaine aurait utilisé cette méthode 13 fois entre novembre 2014 et décembre 2015 dans 7 pays différents dont la France. Cela passe par exemple par l’utilisation d’applications cryptées comme Whatsapp ou par la déconnexion d’employés au bout d’une minute d’inactivité. Si Uber reconnaît avoir eu recours à cette stratégie en France, les avocats de Travis Kalanick assurent à Radio France « qu’il n’avait jamais autorisé la moindre action ou le moindre programme qui aurait fait obstruction à la justice ».
Cette affaire ne devrait donc pas être sans conséquence. Du côté de la France par exemple, elle aura sans doute un impact politique puisqu’elle sert maintenant à l’opposition contre Emmanuel Macron. Ensuite, certains des comportements révélés sont illégaux mais d’autres « ne sont peut-être pas qualifiables pénalement même s’ils existent et portent atteinte à nos institutions » selon Béatrice Guillemont. L’incertitude subsiste donc.
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