Alice Gerda Taro, Lee Miller, Susan Meiselas, Françoise Demulder, Anya Niedringhaus … Ces femmes photographes de guerre trop peu connues qui ont changé le photojournalisme.
Aussi longtemps que le photojournalisme de guerre a existé, les femmes y ont participé. Leur travail est pourtant moins reconnu que celui de leurs collègues masculins aujourd’hui. Pourtant, ces femmes photographes de guerre ont transformé les reportages de guerre et nos regards sur les conflits.
Alors que de nombreuses femmes talentueuses sont parties couvrir le conflit en Ukraine : Carolyn Cole, Laurence Geai, Erin Trieb, Aris Messinis… Voici une liste non-exhaustive des femmes qui ont transformé le photojournalisme de guerre.
Alice Shalek (1874-1956)
C’est lors de la Première Guerre mondiale que le photojournalisme en zone de conflit se démocratise, car les appareils photos deviennent plus maniables. Parmi les photographe accrédités et intégrés dans les troupes de soldats : une seule femme : Alice Shalek. Cette autrichienne écrivaine et rédactrice en chef du Neue Freie Presse travaillera pour les services de presse officiels de son pays.
Son travail, même si la technique lui fait défaut car les femmes ont longtemps été tenues à l’écart des cours de photographies, se distingue de celui des hommes par son courage. Elle est allée dans les endroits les plus dangereux du front, comme dans les Tyroliennes ou en Galicie pour prendre des photos et interviewer les soldats. Elle déclare vouloir “donner un sens à la guerre”. A la fin du conflit, le gouvernement autrichien récompense son travail en lui attribuant la médaille d’or du courage. Mais elle subit aussi de nombreuses attaques misogynes par ses collègues masculins, ainsi que de l’antisémitisme. Elle arrête donc la photographie et se consacre à l’écriture. C’est elle qui a véritablement ouvert la voie aux femmes pour la photographie professionnelle et le journalisme.
Gerda Taro (1910-1937)
Juive et communiste, Gerda Taro, de son vrai nom Gerta Pohorylle fuit l’Allemagne pour Paris en 1933. Mythique compagne de Robert Capa, ils partent ensemble couvrir la guerre civile en Espagne. Elle montre par ses photos une guerre en mouvement qui mobilisent des républicains hommes et femmes, venus de partout dans le monde. Ses photos sont très réfléchies et montre une véritable prise de position en faveur des républicains. Mais son courage lui coûte la vie. Elle devient tragiquement la première femme reporter de guerre à mourir sur le terrain. Longtemps, ses clichés ont été attribués à son compagnon Robert Capa. Ce n’est qu’au début du XXIème siècle que le travail de cette pionnière du photojournalisme est redécouvert.
Lee Miller (1907-1977)
Dans les années 1920, Lee Miller est étudiante en théâtre et mannequin. Muse de Man Ray, c’est lui qui la forme. En 1942, elle est accréditée pour Vogue pour couvrir l’avancée de l’armée américaine en Europe. “Just treat me like one of the boys” demande-t-elle aux soldats. Elle les suit dans lors de la découverte des camps de concentration de Dachau et Buchenwald, lors de la prises des villes allemandes etc. A Berlin, elle pose dans la baignoire d’Hitler, ses rangers bien en évidence, une photo devenue célèbre. Les jeux de lumière et son regard de journaliste mode rendent ses photos très intéressantes et uniques, donnant à la mort et à l’horreur une forme de beauté. 4 ans après la guerre, elle se détourne de la photographie, et plonge dans une dépression que l’on analyse aujourd’hui comme un syndrome post-traumatique.
Françoise Demulder (1947-2008)
Après avoir étudié la philosophie, Demulder commence sa carrière de photojournaliste en suivant son compagnon journaliste au Vietnam. Elle concentre son regard sur les civils, à la différence de la grande photojournaliste Catherine Leroy qui suit les troupes américaines. C’est une des seules journalistes présents à Saïgon lors de l’entrée des Viêt Congs dans la ville en 1975. Ses images lui valent une reconnaissance internationale. La Française couvre ensuite les crises en Angola, au Liban, au Cambodge, au Salvador, en Ethiopie, au Pakistan ou à Cuba. Ses photos, très factuelles laisse beaucoup de place à l’interprétation. Elle devient la première femme lauréate du World Press Photo en 1977, pour une photographie d’une femme Palestinienne implorant des soldats à Beyrouth. Une photographie qui changera le regard du grand public sur la cause palestinienne.
Susan Meiselas (née en 1948)
Susan Meiselas est avant tout une artiste engagée. Sa formation en art visuel se retrouve dans ses photos. C’est une des premières à utiliser des photos couleurs, jugées jusqu’alors vulgaires, car elle en connait toute l’importance. Et elle en joue. Ses images sont plus conceptuelles, laissent place à l’imagination du public. Ce qui ne les rend pas moins fortes, au contraire. Son travail au Nicaragua sur le soulèvement contre le régime de Somoza est récompensé par la médaille d’or Robert-Capa. Pour elle, être une femme lui a permis d’aller dans des endroits inatteignables pour les hommes : “en Amérique centrale j’ai pu m’approcher des gens car ils avaient moins peur des femmes que des hommes. Dans ce contexte extrêmement militarisé, une femme était perçue comme moins dangereuse“.
Anja Niedringhaus (1965-2014)
Anja Niedringhaus est une photojournaliste de guerre et de sport allemande. Elle commence à vendre ses photos à 17 ans, en capturant la chute du mur de Berlin. Pour être autorisée à couvrir la guerre des Balkans dans les années 1990, elle doit convaincre – à l’usure – son supérieur de l‘Associated Press en lui envoyant une lettre chaque jour pendant 6 semaines. Elle ne quittera plus le terrain : Afghanistan, Irak, conflit israélo-palestinien, Koweït, Turquie… Elle reçoit en 2005 le Prix Pulitzer de la photographie d’actualité pour la couverture de guerre en Irak. Son travail désacralise la guerre. Il montre le désarroi des soldats américain, leur effroi, leurs longs moments d’attentes. C’est une rupture avec le photojournalisme classique. Elle s’attarde aussi sur les enfants, premières victimes des guerres mais qui sont aussi porteurs d’espoirs. Elle est assassinée en Afghanistan en 2014.
Si vous voulez en connaître plus sur les femmes photographes de guerre, rendez-vous au musée de la Libération de Paris jusqu’au 31 décembre 2022. Réservez vos billets ici.
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