On regarde ou pas ? La conférence (19 avril 2023)

Un film coup de point ! La conférence vous plonge dans l’un des jours les plus glaçants de l’Histoire de l’Humanité : celui où fut planifié l’extermination des Juifs par les nazis.

C’est quoi La Conférence (de Matti Geschonneck) ? Au matin du 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires du IIIe Reich se retrouvent dans une villa à Wannsee, conviés par Reinhard Heydrich à une mystérieuse conférence. Ils en découvrent le motif à la dernière minute : ces représentants de la Waffen SS ou du Parti, fonctionnaires des différents ministères, émissaires des provinces conquises, apprennent qu’ils devront s’être mis d’accord avant midi sur un plan d’élimination du peuple juif, appelé Solution Finale. Deux heures durant vont alors se succéder débats, manœuvres et jeux de pouvoir, autour de ce qui fera basculer dans la tragédie des millions de destins.

L’essentiel

« Ces messieurs doivent savoir à quoi ils ont participé.
On ne dira pas qu’ils ne savaient pas. »

C’est un jour gravé à jamais dans les manuels d’Histoire. Celui que l’on voudrait n’avoir jamais existé ! Celui où un pays a méthodiquement planifié et couché sur le papier l’extermination des Juifs d’Europe avec ce que l’on a appelé : la solution finale ! Ce moment où les Nazis sont passés de la déportation des Juifs à leur extermination. Ce plan terrifiant fut mis en place lors d’une matinée décisive. L’Histoire retiendra le nom de cette réunion méthodique : la Conférence de Wansee. On l’imaginait réunissant les hauts dignitaires nazis, en nombre, s’apostrophant du salut nazi. Cela s’est en réalité passé dans un salon feutré, où pas plus d’une dizaine de personnes était réunie, entre le café du matin et la collation du midi pour décider l’assassinat méthodique de millions de gens.

Matti Geschonneck signe un film d’une sobriété redoutable dans la mise en scène où le calme de la situation tranche avec les horreurs que l’on entend. Il filme une “réunion administrative” comme il pourrait y en avoir des centaines dans n’importe quelle circonscription – à ceci près que l’on parle ici de la mort de gens. Le tout dénué de musique comme pour mieux marquer chaque mot qui sont prononcés. “La musique est séductrice. La musique charme l’auditoire. Avec la musique, vous pouvez influencer de manière critique la perception du spectateur. C’est pourquoi la musique est très dangereuse et en même temps très vertueuse. Je voulais éviter, et même exclure complètement le risque de manipuler le public“, précise le réalisateur dans le dossier de presse.

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On “aime” le film ?

La conférence est un grand film, important pour le devoir de mémoire. Cinématographiquement, on assiste à du grand cinéma où un réalisateur pose sa caméra dans ce qui restera comme le jour le plus sombre de notre Histoire. Et il expose ces horreurs de manière clinique, les mots sont dits, assénés comme une lame qui nous perfore le ventre.
Passionnant quand on s’intéresse à la grande Histoire et quand on veut comprendre comment les choses arrivent, il instaure aussi rapidement un véritable sentiment de malaise et d’écœurement devant la froideur avec laquelle chaque dignitaire du régime, parfaitement conscient de ce que ses décisions vont impliquer, discute comme un simple comptable de chaque détail d’un plan horrible. Dès que le spectateur pénètre dans ce salon chic et confortable en bord de lac dans une magnifique villa, il a le sentiment d’être pris à la gorge et de subir les assauts de ce qui se dit. A tel point que quand la réunion fait une pause, on se surprend à vouloir aussi nous quitter la salle (de cinéma) pour également faire une pause. Pour les acteurs c’est une véritable partition qu’ils doivent jouer en sortant les pires horreurs avec le sourire parfois aussi, le tout sans jamais donner l’impression que leur personnage participe à autre chose qu’une “simple” réunion administrative.

“Je vois ça comme un métier : on l’apprend, on le maîtrise”

Dans la réalité, la conférence n’a pas duré plus de deux heures. Il fallait qu’à midi tout soit décidé. Le film opte donc pour une narration quasi en temps réel ce qui permet qu’aucun élément à “négocier” ne nous soit finalement épargné : que faire des Juifs qui ont combattu auprès des Allemands entre 1914 et 1918 ? Que faire des “demis Juifs” ? Que faire “des quarts de Juifs” ? Comment on gère les Juifs qui sont encore dans des pays “alliés” ? Est-ce qu’on doit leur proposer de s”en occuper à la place des gouvernants ? Avec au passage cette phrase épouvantable : “C’est comme demander à son voisin d’évacuer son fumier à sa place. Personne ne peut refuser“. On assiste même aux tractations les plus abjectes comme celle qui voient le représentant de la Pologne être d’accord pour la solution finale à condition qu’on s’occupe d’abord des Juifs qui vivent dans “son pays”. Après la pause, vient la question ultime : comment éliminer les Juifs ?

Si la première partie du film nous avait déjà plongé dans l’horreur, la fin est encore pire. Et seulement avec la froideur et les mots. Pas plus !
La méthode des exécutions par balles est rejetée sauf quand on ne pourra pas faire autrement. Pas parce que ce serait trop douloureux, mais pour épargner aux Allemands qui vont le faire des traumatismes. Il faut donc une méthode qui ne choquent pas les soldats allemands. Méthodiquement, la solution de la chambre à gaz et des fours crématoires est expliquée, en glissant ici et là des noms de lieux qui à leur seule mention suffit à glacer d’effroi : Sobibor ou Auschwitz, ce dernier “a fait ses preuves” comme le rappelle un des dignitaires. Et chacun de se féliciter d’avoir fait tout ce qui est “humainement possible” pour préserver les soldats. Puis de se quitter pour se rendre à une autre réunion administrative. Une de plus !

Non sans rappeler que si le plan repose sur l’implication de beaucoup de personnes qui seront un petit maillon de cette chaîne d’horreur, les personnes présentes autour de la table savaient ce qu’elles ont décidé. Et étaient toutes coupables !

La Conférence, un film violent, fort mais nécessaire pour ne pas oublier

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