« J’attends d’oser »
Hiver 1919 à Rodez. C’est ici que naît Pierre Soulages, dans la rue Combarel, entre bâtiments administratifs et boutiques d’artisans. C’est entre ces deux mondes que grandit le jeune homme. « L’artisan sait très bien ce qu’il va faire et sait comment y arriver. Moi, c’est le contraire » confiait l’artiste dans ses dernières années. Né d’un père carrossier, ce dernier meurt alors que Pierre n’a que cinq ans. Sa mère et sa sœur ainée se chargent de son éducation.
A l’âge de 13 ans, il visite l’abbaye Sainte-Foy de Conques, chef d’œuvre de l’art roman. Cette rencontre fut déterminante, au même titre que la découverte des reproductions de lavis de Claude Lorrain et de Rembrandt. Ou encore la fouille de grottes et de dolmens.
Arrivant à Paris en 1938, il tente les Beaux-Arts l’année suivante. Admis, il décide de quitter l’école, n’éprouvant que peu d’intérêt pour les enseignements dispensés. Mobilisé puis démobilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale, il se rend à Montpelier. Il y croise le chemin de Colette Llaurens, son épouse. Ils resteront ensemble jusqu’à leur mort.
Dans sa jeunesse, il s’essaye à la peinture figurative (représentant arbres et autres branches hivernales). Sans succès, manquant d’attrait pour cette technique.
Son style (sobriété chromatique, fluidité des formes) lui vaut une réception assez critique, à la fin des années 1940. Les années suivantes, il ajuste son style et connait une renommée internationale. Puis, ses productions deviennent de plus en plus grandes. Les couleurs tendent à disparaitre. A partir de 1967, la règle est simple : plus que du noir.
Pierre Soulages : entre noir et mystère
Pierre Soulages avait la particularité de ne donner aucun nom à ses œuvres. Quel était le sens de sa démarche ? Que le spectateur plonge dans la peinture avec ses propres yeux et non ses propres idées. A titre d’exemple, une de ses créations s’intitule sobrement « Peinture, 324 x 362 cm, 1985 ».
Connu pour ses innombrables toiles noires, symbolisant traditionnellement la mort ou les tourments de l’âme, Pierre Soulages veut ici évoquer autre chose. Lors d’un entretien à France Culture en 1986, l’artiste confiait : « Si on cherche la raison ou les raisons, on peut toujours en trouver. Je crois que la seule réponse que je puisse faire à cette question c’est ‘Parce que’ « . En 1979, il introduit le terme « outrenoir », c’est à dire un noir autre, d’une nature autre, cherchant à montrer tout ce que la rencontre du noir et de la lumière peut susciter.
Par ailleurs, Soulages tente d’échapper à la représentation du geste et de la durée. En ce sens, il regroupe sur le tableau les larges touches du pinceau. Empilées, superposées, elles rythment l’espace de la toile. Doté toujours d’un large panel d’outils, l’artiste n’hésite pas à mettre en relief la matière. Il lisse, il plisse : en un mot, il joue avec la peinture.
Sa règle d’or : peindre sans avoir d’idée du résultat. Dépourvu d’attente particulière, il est à l’affût de l’imprévisible, de l’intuition soudaine. Bien que son art fut communément qualifié d’abstrait, Pierre Soulages a toujours tenu à prendre une certaine distance vis-à-vis de ces étiquettes. Pierre Soulages s’est éteint le 26 octobre 2022, à Nîmes à l’âge de 102 ans.
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