Le tableau dressé par la cellule investigation de Radio France est édifiant. A l’en croire, à défaut de véritable dopage, le peloton prendrait a minima d’impressionnants cocktails médicamenteux, appelés « la Bomba » ou la « Magic Box », avec caféine, paracétamol, voltarène et même théophylline, un stimulant respiratoire, et thiocolchicoside, un anti-inflammatoire et un analgésique.
Mais ces mélanges médicamenteux, qui constituent une véritable zone grise, ne seraient pas les seuls produits auxquels l’ensemble du peloton ou presque aurait recours. Les cétones synthétiques seraient « utilisées quasiment dans tout le peloton, y compris dans les équipes françaises membres du Mouvement pour un Cyclisme Crédible », assure la journaliste Géraldine Hallot, ajoutant : « C’est ce que montre notre enquête. »
« Aucune équipe n’est épargnée par le phénomène des cétones. Y compris celles qui sont membres du MPCC, a en effet confié un agent de coureurs, sous couvert d’anonymat. C’est même organisé médicalement au sein des équipes. Les équipes ne payent pas elles-mêmes les cétones, car ça coûte trop cher, mais elles encadrent leur prise. »
Les cétones sont un substrat naturel produit par le foie à partir de lipides (graisses) quand notre organisme manque de glucides. L’ingestion des cétones synthétiques augmente donc la concentration d’EPO endogène dans le sang, permet de retarder l’apparition d’acide lactique et favoriserait également la récupération.
Les coureurs achètent eux-mêmes les cétones
« Si ce produit a les qualités qu’on lui prête, c’est un peu ambigu. Ça n’est pas à l’ordre du jour chez nous. Je pense que l’on gagnerait à s’éviter ce genre de polémique en l’interdisant tout simplement. Ça réglerait l’affaire », a confié par le passé Marc Madiot. « On est là, donc, pour dire qu’on ne connaît pas trop les effets secondaires. Peut-être que dans quelques années, on saura que c’est une merde », avait renchéri Jean-Jacques Menuet, médecin de la formation bretonne Arkéa-Samsic. « Nous déconseillons l’usage de cétones, a encore confirmé Roger Legeay, le président du MPCC. C’est utilisé dans le peloton, on le sait. Mais pour nous, il ne faut pas en prendre.»
Le discours a donc changé. « Les managers nous disent qu’il vaut mieux que ce soit encadré plutôt que ça se fasse de manière désordonnée, a confié un coureur français. Mais c’est exactement le même argument qu’on entendait dans les années 90, le fameux : ‘le dopage est tellement généralisé qu’on l’a encadré !’ »
Si ce n’est la Cofidis, qui est restée muette sur le sujet, les autres équipes françaises (Decathlon-AG2R La Mondiale, Arkea BNB Hotels et Groupama FDJ) ont donc reconnu autoriser leurs coureurs à avoir recours aux cétones. « A titre individuel », ont-elles précisé. Mais si les coureurs achètent eux même les flacons (à raison de 30 dollars l’unité), les staffs médicaux en supervisent la prise. Et ce alors qu’il n’est pas question pour l’AMA d’interdire ces produits.