Le groupe Orpea est mis en cause dans le livre Les Fossoyeurs, du journaliste Victor Castanet. L’auteur y décrit un système où les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont « rationnés » pour améliorer la rentabilité de l’entreprise. Et ce alors que les séjours sont facturés au prix fort.
Une auxiliaire de vie, dont l’auteur a recueilli le témoignage, raconte par exemple à quel point elle devait « se battre pour obtenir des protections » pour les résidents. « Nous étions rationnés: c’était trois couches par jour maximum. Et pas une de plus. Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie. Personne ne voulait rien savoir », raconte cette femme dans Les Fossoyeurs.
Le livre revient également sur les conditions de la mort de l’écrivaine Françoise Dorin en janvier 2018, des suites d’une escarre mal soignée, moins de trois mois après son entrée dans un des établissements du groupe Orpea.
Auditionné devant la Commission sociale de l’Assemblée nationale, le PDG du géant des maisons de retraite Philippe Charrier a exclu qu’il y ait « un système Orpea consistant à optimiser le profit pour rationner nos prestations ». « Je vous l’affirme: ce système n’existe en aucun cas à Orpea. Le vrai système Orpea, c’est qu’à tous les niveaux on essaie de prendre soin des personnes qui nous sont confiées ».
« Quand il y a des événements indésirables, nous les suivons de très près. Nous les rapportons aux autorités de santé, nous menons des investigations et nous corrigeons », a assuré Philippe Charrier, évoquant 391 « événements indésirables » en 2021, dont « 36 suspicions de maltraitance ».
L’émission « Cash Investigation » de France 2 a depuis promis « de nouvelles révélations » à l’issue d’une enquête que mène son équipe « depuis plus d’un an sur les Ehpad privés », entraînant la chute en bourse d’Orpea, mais aussi de Korian, autre mastodonte du secteur, également visé par des signalements.
La patronne du groupe de maisons de retraite, Sophie Boissard, a défendu les Ehpad privés, en demandant à l’État un effort financier et une définition des normes de contrôle des établissements, dans une interview aux Échos. « Il serait calamiteux qu’à la suite de la publication du livre de Victor Castanet, on jette le bébé avec l’eau du bain », a dit Me Boissard, pour qui l’ouvrage « vise le système d’une entreprise en particulier », qu’on ne peut extrapoler à toutes les autres.
Elle a estimé que le secteur souffre d’un manque de financement public, avec dans le cas de Korian une dotation moyenne pour les soins et la dépendance de 60 euros par patient et par jour. C’est « effectivement insuffisant au regard des besoins de la grande dépendance » pour Isabelle Boissard, qui met en regard pour les Pays-Bas une dotation de 200 euros.