Pendant 15 ans, Evil Uno a foulé les rings des promotions indépendantes américaines. De la CHIKARA à la Pro Wrestling Guerrilla, le catcheur a su s’imposer comme l’un des noms majeurs de la scène indépendante, grâce à une créativité sans faille. Depuis 2019, il est l’un des membres clés du “Dark Order”, l’un des clans les plus adulés par les fans d’All Elite Wrestling. Aujourd’hui vedette du catch américain, Evil Uno se confie sur son parcours au micro de VL Media. De ses timides débuts à la télévision nationale jusqu’à son explosion en popularité aux côtés du regretté Brodie Lee, Evil Uno retrace trois ans de carrière parsemés de doutes et de succès.
VL: Tu catches du côté d’All Elite Wrestling depuis 2019. Ta première apparition date d’AEW Double or Nothing où tu as fait tes débuts avec Stu Graysson. Ton premier match lui, date d’AEW Fight for the Fallen de la même année. Toi qui a connu All Elite Wrestling à ses prémices, comment décrirais-tu l’évolution de la promotion ? C’est quoi la différence entre AEW en 2019 et AEW en 2022 ?
Evil Uno: C’est certain que beaucoup de choses ont changé depuis 2019. Au cours de ces trois années, le nombre de lutteurs a doublé et nous avons maintenant deux shows télévisés. À l’origine, il n’y avait que quatre pay-per-views alors qu’aujourd’hui, il y a aussi pas mal de shows spéciaux (Fyter Fest, Fight for the Fallen, New Year’s Smash, …). Mais, le plus gros changement, c’est le niveau de star-power des lutteurs. Initialement, la première année, on avait Chris Jericho qui était le catcheur le plus connu de la promotion et l’un des plus connus au monde. Trois ans plus tard, on a beaucoup plus de lutteurs qui sont très populaires auprès du public mainstream. All Elite Wrestling a aussi dans son roster des lutteurs que beaucoup de gens de ma génération regardaient quand ils étaient adolescents. On a dans notre roster des grosses stars comme CM Punk, Bryan Danielson, William Regal, Keith Lee ou encore Adam Cole. C’est sûr que maintenant le paysage de la promotion a changé, mais on propose toujours des shows basés spécifiquement sur la qualité in-ring.
VL: Pour toi, à quoi doit-on le succès d’All Elite Wrestling ? Qu’est-ce qui fait que ça marche autant chez le public mainstream que sur un public de connaisseurs ?
Evil Uno: On a vraiment eu la chance d’offrir quelque chose de différent par rapport à ce qui se faisait déjà à la télévision. On est un show purement de lutte. Bien sûr, on offre aussi autre chose, mais à la base, 90% de ce que l’on offre, c’est de l’action sur le ring. On a les meilleurs lutteurs au monde. On a les meilleures équipes au monde. On a les meilleures lutteuses au monde. Je pense qu’au début, ce qui a attiré le public vers AEW, c’était Chris Jericho et la promesse qu’on représentait pour les fans de catch. Trois ans plus tard, on vous offre toujours du bon catch et, avec de nouvelles personnes qui se sont greffées au produit comme CM Punk, qui n’avait pas lutté à la télévision pendant près de sept ans. Bryan Danielson, également, qui n’avait pas pu faire ce qu’il voulait dans le monde du catch pendant des années. On continue à tenir les promesses que l’on avait faites la première année, mais maintenant, on le fait avec beaucoup plus de “star-power”. Quand une nouvelle promotion se crée, on pense toujours que la première année sera plus fructueuse que les autres. Nous, ça fait trois ans qu’on ne cesse de grimper. On a un public plus large à la télévision et de plus en plus de fans dans les salles. C’est sûr qu’après la pandémie, nos shows ont vraiment explosé. On a pu accueillir plus de fans et davantage de catcheurs qui voyaient leur contrat arrivé à expiration. Je crois que c’est la formule d’apporter quelqu’un de nouveau et qui attire le public sur TNT et TBS qui nous a aidé à être là où l’on est aujourd’hui.
VL: Depuis tes débuts chez AEW, tu es membre du Dark Order. Peux-tu nous donner quelques informations sur l’origine du clan hors-caméra ? Qui a eu l’idée de former ce clan ?
Evil Uno: Quand j’ai commencé à lutter chez AEW, j’étais déjà un lutteur indépendant. Stu Graysson et moi luttions déjà ensemble depuis 15 ans. Durant ces quinze années, on a changé de noms. À l’origine, on était les Super Smash Brothers, des personnages de jeux vidéo. Mais, au fil des années, on a évolué et on a pris nos propres identités. Sur la scène indépendante, j’incarnais le même personnage qu’actuellement à la télévision. Bien que le clan ne s’appelait pas le Dark Order, j’avais des hommes masqués qui m’aidaient à gagner. Donc, quand j’ai commencé à lutter à la télévision, j’ai apporté ce personnage-là. Ce qui est différent chez AEW par rapport aux autres promotions, c’est qu’on a la chance de raconter nos propres histoires. C’était un nouveau public, qui nous connaissait à peine, et j’ai eu la chance de leur expliquer nos différents personnages. On a pu montrer à tout le monde qu’on était une secte qui attirait les catcheurs qui perdaient de sorte à les rendre plus grands. L’idée du clan vient de moi, mais elle a été améliorée par les Young Bucks, Tony Khan ou Cody Rhodes. C’est un projet d’équipe. Par la suite, le clan a évolué avec l’arrivée d’un nouveau leader, notre ami Brodie Lee. Depuis ce temps-là, c’est vrai que tout a changé. On a dû dévier de l’histoire, de ce qui était prévu, mais c’est le principe du catch. D’une semaine à l’autre, l’histoire peut changer. D’une semaine à l’autre, la personne que tu aimes peut devenir celle que tu détestes. Depuis, on continue à naviguer entre les histoires et à voir où ça nous mène. J’espère voir beaucoup plus de Dark Order dans le futur.
VL: Justement, tu parles de tous ces changements au sein du Dark Order, la première monture du clan avait reçu des réactions plutôt mitigées de la part du public. Selon toi, qu’est-ce qui n’allait pas dans la première monture du Dark Order ?
Evil Uno: Pour être honnête, je n’avais jamais fait de shows télévisés pour une aussi grosse audience dans ma vie. Je crois qu’une grosse partie du problème venait du fait que personne ne savait qui j’étais. C’était beaucoup plus difficile pour le public de s’investir dans notre groupe parce qu’aucun d’entre nous n’était une star à la télé. Il y a aussi le fait que les hommes masqués n’étaient pas les mêmes une semaine sur l’autre. Certaines semaines, on avait des catcheurs sous les masques qui savaient comment se comporter pour un show télévisé et comment faire avancer notre histoire. Mais, certaines semaines, on avait des lutteurs moins expérimentés, et, quand l’un d’entre eux faisait une erreur, ça avait une répercussion sur notre image. Pour autant, encore une fois, chez AEW, on a l’opportunité de changer, de s’adapter et de s’éloigner de ce qui était prévu à la base. On a été chanceux, ils ne nous ont pas mis à la porte (rires). On a commencé avec les vidéos de secte, à inviter d’autres lutteurs et puis par la suite, l’Exalté est arrivé. Aujourd’hui, on est complètement différent de ce qu’on était il y a trois ans. La trajectoire a constamment changé parce qu’on nous a toujours donné d’autres options en fonction de ce que le public réclamait.
VL: En mars 2020, Brodie Lee a rejoint le Dark Order en tant que l’Exalté. Pour toi, en quoi Brodie Lee a aidé à rendre le clan plus populaire et quel impact a-t-il eu sur ton run chez AEW ?
Evil Uno: C’est certain qu’on voit encore à l’heure actuelle son impact sur le Dark Order. C’était un ami que je connaissais depuis 15 ans. On était très excités à l’idée de travailler avec quelqu’un avec qui l’on n’avait pas travaillé depuis longtemps. Brodie Lee a apporté un certain panache à notre groupe. Il a apporté quelque chose que je n’étais pas en mesure de donner avec mon personnage. Il était plus grand et plus fort que tout le monde. Il avait une certaine aura quand il était à l’écran. Tu savais tout de suite qu’il était dangereux, tu ne pouvais pas aller contre son gré. C’était vraiment un phénomène dans notre groupe. Puis, grâce au fait qu’il était déjà une star à la télévision, et que le public était déjà acquis à la cause de son personnage, il a apporté une plus-value à notre groupe. En plus, il est arrivé au moment où notre clan était au plus bas. Donc, ça a pu effacer ce qui s’était passé avant et ça a redirigé le bateau.
VL: À l’heure actuelle, le Dark Order est associé à l’écran avec “Hangman” Adam Page. Comment s’est déroulée cette transition entre le leadership de Brodie Lee et la storyline avec Adam Page ? Comment s’est crée l’alchimie entre le Dark Order et Adam Page ?
Evil Uno: Tout ce qu’on voit à la télévision, c’est une alchimie réelle. À l’origine, “Hangman” était une des cibles du Dark Order, quelqu’un que Brodie Lee voulait recruter. Tout a commencé quand Brodie Lee était l’Exalté. Il était supposé être quelqu’un en train de perdre et mal-en-point dans sa vie personnelle et, on comptait prendre avantage de cela. Mais, avec le décès de Brodie Lee, notre groupe a dû changer. Suite à son décès, Adam Page est vraiment devenu un ami pour nous tous hors-caméra. Lui aussi avait perdu un ami et était dans une situation délicate également dans sa vie privée. C’est une alchimie qui s’est crée entre nous et tout le Dark Order est devenu plus fort après cet événement. Quelque temps avant cela, on avait commencé à apparaître sur BTE (Being the Elite, le show Youtube du clan de l’Elite) où l’on avait créé ensemble une alchimie comique. “Hangman” s’est ajouté très facilement de par son naturel comique et sa vision du catch qui est très similaire à la nôtre. Depuis ce temps-là, on est des amis très proches. Sans lui, je ne sais pas où on en serait aujourd’hui. Sans nous, son cheminement entre le championnat par équipe et le championnat mondial d’AEW – qu’il détient en ce moment – aurait été aussi très différent. Je suis très heureux que l’on ait pu s’associer avec lui. Il y a deux ans, je n’aurais pas pu dire qu’il était un ami, c’était juste une connaissance. Deux ans plus tard, c’est quelqu’un que je contacte souvent, on se parle régulièrement.
VL: Tu viens d’évoquer Being the Elite qui a aussi joué pour beaucoup dans l’explosion en popularité du clan. À quel point les séquences que l’on voit chaque semaine sont écrites ? Qui écrit ces vignettes ? Quelle est la part d’improvisation ?
Evil Uno: Notre formule est un peu improvisée. On a commencé à faire BTE juste après l’arrivée de l’Exalté. Le but, c’était de montrer la fonction de chaque personnage du clan. Moi, j’étais le personnage qui dirigeait le groupe, mais qui avait peur de son boss. Stu Graysson était mon second. John Silver et Alex Reynolds, c’était ceux qui étaient au plus bas de l’échelle. Ils voulaient faire n’importe quoi pour impressionner Brodie Lee ou moi, mais échouaient à chaque fois. C’est vraiment ce qui s’est fait naturellement. En ce qui concerne l’écriture, chaque semaine, que ça marche ou non, on discute deux minutes entre nous et après, on filme. C’est très rare que l’on fait plus d’une prise pour une séquence. Il y a eu des exceptions, surtout du temps où Brodie Lee était parmi nous. Pour quelqu’un aussi effrayant, c’était toujours le premier à rire quand on faisait des vidéos. Et puisque son personnage ne pouvait se permettre de rire, on devait recommencer la scène. Mais à l’heure actuelle, c’est écrit en deux minutes. Certains épisodes spéciaux avec beaucoup de montage, comme celui de Noël, ont été écrits par Alex Reynolds et Adam Page. Même si aujourd’hui, c’est improvisé, il y a des exceptions. On n’aurait pas pu chanter une chanson de quatre minutes sans l’avoir écrite. Pour l’épisode qui sort lundi, on s’est réuni en groupe. C’est quelque chose de complexe, car on est un groupe de huit personnes. Avec notre alchimie, on sait exactement ce qu’on doit dire et à quel moment. Quand la caméra est allumée, on n’est pas si différent de ce qu’on est dans la vie.
VL: Revenons enfin, sur ton match face à Adam Cole lors d’AEW Rampage en février qui a été très bien accueilli par les fans de la promotion. Est-ce que tu as l’envie de faire un run solo chez AEW ? Est-ce que tu as des affiches de rêve en solo dans la promotion ?
Evil Uno: J’aimerais beaucoup avoir l’opportunité de prouver ma valeur en tant que catcheur solo. J’ai été très chanceux au cours des trois dernières années parce que j’ai pu être en équipe avec mon coéquipier de toujours Stu Graysson. J’ai aussi eu l’occasion de me produire seul sur le ring. J’ai eu des matchs contre Dustin Rhodes, Adam Page, Adam Cole ou encore Bryan Danielson. Jamais je n’aurais pu croire que j’allais pouvoir avoir ces matchs-là. Je suis très heureux de les avoir eu du côté d’All Elite Wrestling. Bien sûr, à l’avenir, j’aimerais pouvoir en montrer davantage. Ma dernière occasion, c’était contre Adam Cole et c’était très rapide. J’envisage de combattre en solo pour décrocher le championnat TNT que Brodie Lee avait lui-même remporté. C’est un objectif personnel, mais aussi un but pour le Dark Order en règle générale. Si je pense uniquement en tant que fan de catch, j’aimerais beaucoup lutter contre Christian Cage. Je pense que c’est l’un des meilleurs lutteurs avec lesquels j’ai grandi. Chris Jericho, également, c’est une légende pour plein de raisons. Il sait parfaitement comment se présenter à la télévision et comment s’adapter au fil du temps. C’est l’une des personnes les plus intelligentes dans le monde du catch. À titre personnel, ce qui m’intéresse dans le catch, c’est apprendre. Ça fait 19 ans que je lutte maintenant et ce n’est pas souvent que j’ai l’occasion d’affronter quelqu’un qui peut m’apprendre beaucoup. C’est pour ça que j’aimerais affronter ceux qui sont considérés comme les meilleurs au monde.
All Elite Wrestling est diffusée tous les mardis à 20h55 sur Toonami avec “AEW Dynamite” et tous les dimanches à 20h55 pour “AEW Rampage”. Ces émissions sont commentées en français par Alain Mistrangélo et Norbert Feuillan. Evil Uno nous a d’ailleurs confié que ce dernier faisait partie du Dark Order.
Lucas Charpiot
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