A l’occasion des 40 ans de Dallas, Patrick Duffy était l’invité en 2018 du Festival Séries Mania. Nous l’avions rencontré pour évoquer ce qui reste de la série 4 décennies plus tard.
En plus de se livrer au public lors d’une grande masterclass lors de Séries Mania 2018, Patrick Duffy a pris le temps de rencontrer la presse et de revenir sur l’aventure Dallas.
A votre avis, quel est l’héritage de Dallas à la télévision ?
Dallas a laissé un héritage, qui va au-delà de la popularité des personnages
Patrick Duffy : Ce n’est pas seulement la popularité qu’elle a acquise, sa dimension internationale ou sa nature iconique. Au cours des deux derniers jours (à Séries Mania ndlr), après en avoir parlé de manière approfondie, je pense que Dallas remplissait une fonction, et parfois, elle n’est pas reconnue à sa juste valeur. Nous avons changé le format de l’écriture télévisuelle, qui a alors profité aux acteurs – bien au-delà du crédit qu’on accorde à Dallas. Aujourd’hui, on considère qu’il est normal qu’en tant qu’acteur, dans une série, vous n’ayez aucune idée de la manière dont votre personnage va s’épanouir. Avant Dallas, si vous étiez la star de la série, le personnage suivait une formule. Dans un drama, vous commencez la série, vous faites l’arc dramatique, vous résolvez le problème et à la fin, c’est terminé ; dans l’épisode suivant, vous recommencez depuis le début et vous refaites la même chose. Et ça, encore et encore et encore et encore. La beauté de la chose, c’était toutes les situations difficiles dans lesquelles vous vous trouviez. Mais ça finissait et commençait toujours de la même manière. Dallas a changé ce format. Il y a un début, mais ça ne finissait jamais. Comme la vie. Qui êtes-vous quand vous êtes dans une grande école ? Comment cette personne devient-elle adolescente ? Et puis vous commencez à sortir, vous vous mariez dans la vingtaine, et puis vous avez 40 ans… Comment cet enfant de 8 ans est-il devenu ce quadragénaire ? Vous assemblez tout cela, et sur une saison, vous n’avez aucune idée de la direction que va prendre le personnage. Je pense que c’est extrêmement rafraîchissant du point de vue dramatique pour les acteurs. C’est ce qu’ils attendent maintenant, sans réaliser que ça n’a pas toujours été comme ça.
On dit souvent que la télévision a changé, avec des auteurs comme Steven Bochco et des séries comme Hill Street Blues mais, selon moi, ce ne serait peut-être jamais arrivé si Dallas n’avait pas ouvert la voie.
Patrick Duffy : Je le pense, oui. Je pense que Dallas a laissé un héritage, qui va au-delà de la popularité des personnages, le business du pétrole et tout ça. C’est davantage un héritage en terme de structure artistique, et je pense que ça a été très bénéfique. Et aussi parce que ça rend normales des séries comme Game of Thrones ou Breaking Bad. Ce sont des choses normales, maintenant. Le public les regarde, et c’est normal. On regarde un professeur de chimie dans un lycée qui devient trafiquant de drogue et qui finit par tuer des trafiquants de drogue, comme ça arrive dans Breaking Bad et on se dit, mon Dieu, aujourd’hui on accepte ça comme quelque chose de génial et de normal. Dallas a eu une grande influence sur ce modèle.
A lire aussi : C’était il y a 40 ans … Dallas un univers vraiment impitoyable
Si l’on parle des grandes figures de Dallas à l’occasion du 40ème anniversaire, je pense à Leonard Katzman. A mon avis, il est l’essence de Dallas.
Il était au cœur du contrôle et de la qualité. Et je ne parle pas de la beauté des images ou des décors ; mais la qualité de l’écriture et le concept de Dallas résidaient dans une seule personne, et c’était Leonard. Il a quitté la série en même temps que moi, et c’est un fait accepté, il n’y a pas débat : la série a considérablement changé cette saison-là (la saison 8 ndlr), parce que le nouveau producteur avait une autre sensibilité, et qu’il a amené la série dans une autre direction. Ça a complètement bouleversé Larry, il voulait revenir à la vieille formule, et c’est lui qui est à l’origine du retour de Leonard dans la série, et du mien. Leonard était celui qui contrôlait tout ça, et quand Leonard est mort, nous avions encore deux films à faire par contrat pour Dallas, dont Larry et moi étions les producteurs exécutifs, et on ne savait pas comment faire. On a joué Bobby et J.R. pendant les 30 ans où Katzman veillait à la qualité, et on ne savait pas comment créer tout ça. On ne l’a pas compris, et ces films n’étaient pas très bons. Ils n’avaient pas l’empreinte de Leonard, ce qu’il aurait pu en faire même en dormant. Il l’aurait fait sans aucun effort, parce que c’était dans ADN, il était le cœur de Dallas. Leonard Katzman n’était n’était pas très généreux envers les personnages féminins. C’était foncièrement un producteur d’hommes. Il a créé certains des meilleurs personnages féminins : Sue Ellen ; le personnage de Victoria Principal ; celui de Charlene Tilton qui, de petite fille, est devenue autre chose ; et Barbara, et bien c’était Barbara. Mais c’était plutôt un mec à la J.R., Bobby ou Ray Krebbs. Les femmes avaient des problèmes avec lui, mais Linda serait la première a vous dire qu’il était le meilleur dans ce qu’il faisait. Elle a du se battre contre lui, y compris pour réaliser un épisode, et je crois qu’elle en finit par réaliser 3 ou quelque chose comme ça… Il ne voulait pas d’une femme réalisatrice, il pensait que ce n’était pas bien. Mais mon Dieu, il savait écrire des personnages de télévision !
A votre avis, pourquoi le retour de Dallas sur TNT s’est-il achevé au bout de 3 saisons ? Parce qu’à mon avis, c’était une bonne série.
En effet, c’était une très bonne série. C’était la deuxième série la mieux notée de TNT, on leur a apporté de l’argent… La raison exacte, je peux vous la donner. La raison pour laquelle Dallas a été annulée, c’est que nos deux plus grands fans étaient le directeur général de TNT à Atlanta – j’ai oublié son nom, mais vous pouvez probablement le retrouver – et le directeur de TNT à Los Angeles, un type qui s’appelle Michael Wright. Il y a peu de gens à la tête des chaînes de télévision qui possèdent ce genre de personnalité que j’adore. C’est le genre de personnes qui sont excitées parce qu’ils ont l’opportunité de faire de la télévision, ils adorent ce média. L’un d’eux est Les Moonves, le directeur de CBS, qui redevient un enfant grâce à la joie qu’il ressent en faisant de la télévision. C’est un homme d’affaires brillant, mais il fait de la télé parce qu’il adore ça. Michael Wright était comme ça. Michael Wright n’a pas été engagé à la tête de TNT quand ce directeur général de TNT Atlanta est parti, donc il a démissionné et il a rejoint Amblin. Qui n’irait pas chez Spielberg ? Mais il y a eu une période de 3 mois au cours de laquelle il n’y avait personne aux commandes de TNT. Ils cherchaient un nouveau président, mais ils ne le trouvaient pas. Et au cours de cette période, un des sous-directeurs du département sport de CBS a repris le poste. Il nous a annulés, parce qu’il ne voulait pas d’une veille série télé, il n’en voulait que des nouvelles. Et comme Dallas était présente depuis 1978, il pensait qu’il y avait une ambiance trop vieille. Donc, il l’a annulé. Il a annulé leur deuxième série la mieux notée. C’était la pire des erreurs, et TNT ne s’en est jamais remise. Aujourd’hui, TNT est au mieux une chaîne de seconde zone, et c’est arrivé très vite. Donc on a été annulé. Et on avait un bon cliffhanger quand on a été annulé. Je pense qu’au minimum, on aurait pu tirer encore deux ou trois saisons supplémentaires, en faisant de la bonne télévision et pas seulement en pressant l’histoire comme un citron.
Et vous auriez pu donner une bonne fin à la série…
Oui. Ça s’est fait avec un énorme manque de respect. Même s’ils avaient voulu annuler la série, ils auraient pu nous dire de faire deux ou trois autres épisodes, pour conclure. Ils ne l’ont pas fait. Ce type est… Bon, tout le monde sait ce que j’en pense.
Que pouvez-vous nous dire sur cette saison 4, juste après la mort de Christopher ? Qu’aurions-nous pu attendre de cette saison 4 ?
On n’en sait rien ! Parce que Cynthia et les auteurs avaient à peine commencé à esquisser un plan pour réunir tout le monde, écrire la Bible et tout ça. Toutes les options étaient sur la table. Et je n’en ai donc aucune idée. J’allais faire une suggestion : que Elena, qui était la fille de la femme de ménage, soit en réalité la fille de Bobby. Parce que j’avais tourné une ou deux scènes avec elle, dans un épisode que j’avais réalisé, où elle fait exploser la bombe à propos du suicide de J.R., des papiers, de la lettre et des preuves. Et il y a une scène dans le bureau de Bobby – je ne sais même pas pourquoi ça a été écrit comme ça – où je la regarde et je lui dis : Aujourd’hui, tu m’as brisé le cœur. Et mon cerveau s’est mis en marche : ça pourrait vouloir dire autre chose que : « tu as pris une mauvaise décision », mais plutôt « Ma fille m’a brisé le cœur ». Et j’ai commencé à me demander : comment pourrait-elle être ma fille ? Parce que je ne crois pas que Bobby ait couché avec la femme de ménage, mais je pense que Bobby a eu une liaison, et un enfant que la femme de ménage a recueilli à la naissance et élevé comme sa fille. Les deux seules personnes au courant étaient Bobby et… comment s’appelait la femme de ménage ? J’ai oublié. Mais quoiqu’il en soit, je crois que la nouvelle saison aurait pu aller n’importe où, il y avait toutes sortes de possibilités, et nous ne le saurons jamais.
Est-ce vraiment fini pour Dallas ?
Il semble bien. Et si je ne suis pas positif, c’est parce que même le reboot de Dallas était presque impossible. Il y a eu tellement de problèmes légaux à régler… On a parlé de David Jacobs hier soir (à la masterclass) : il n’était pas impliqué dans le remake, mais il est le créateur de Dallas. Toutes ces obligations légales doivent être réglées, il faut payer pour ça. Chaque fois qu’on fait un épisode de Dallas, David Jacobs mérite de toucher de l’argent. Puisque TNT l’a fait, si Netflix décidait de le faire, David Jacobs devrait être payé et TNT aussi devrait être payée. Et Warner Bros. devrait être payé, et Lorimar devrait être payé. C’est un cauchemar. Et qui voudrait gérer ça ? On a quasiment failli échouer la première fois, et on a essayé que la série soit reprise dans la foulée. Michael Robin est allé voir tous les décideurs importants – je ne sais pas s’il est allé voir Netflix mais HBO, Showtime, tous ces gens-là, pour voir s’ils voulaient récupérer la série. Et beaucoup d’entre eux pensaient que c’était une bonne idée, mais aucun n’a voulu s’attaquer aux problèmes légaux. Il semble bien que ça ne se fera pas.
Et pourrait-on imaginer un reboot, un revival de Notre belle famille ?
Bien sûr, vous pouvez l’imaginer ! Et encore plus maintenant, car je suis sûr qu’il va y avoir des reboots de Cheers, Friends… Et le reboot de Dingue de Toi est en train de se faire. Pour moi, il faut répondre à une seule question : pourquoi ? Pourquoi le faire ? Si je suis un réseau de télévision, le pourquoi, c’est parce qu’on peut faire de l’argent, parce que la série a déjà une notoriété car elle a déjà été diffusée… Il y a beaucoup de pourquoi, parce que c’est un business. En tant qu’acteur ou producteur ou quel que soit le mot que vous utilisez, si je me pose la question du pourquoi, je ne peux pas trouver une raison artistique. Pourquoi voulez-vous revoir cette famille ensemble ? Pourquoi seraient-ils à nouveau ensemble ? Pourquoi, 25 ans après, seraient-ils encore dans la même maison ? Pourquoi ? Qui revient ? Je ne peux pas répondre au pourquoi. Il n’y a rien qui motive une réponse. On pourrait faire ceci, résoudre tel problème, rendre ça drôle… Il n’y a rien de tout ça pour moi. Oui, vous pouvez donc l’imaginer et Dieu sait que si on vient me voir en me disant, on vous va balancer un seau de billets si vous faites 12 épisodes de Notre belle famille, j’y réfléchirais probablement, pour être honnête. Mais je ne vois pas de raison.
(Traduction Fanny Lombard Allegra)
Cet article Interview – Patrick Duffy : “Dallas a changé le format de l’écriture télévisuelle” est apparu en premier sur VL Média.