Dallas le primetime soap le plus connu de l’Histoire de la télévision américaine a 45 ans. L’occasion de revenir sur les grandes lignes de cette saga hors du commun.
Lorsque Dallas arrive à la télévision américaine en 1978, la série familiale traditionnelle à l’instar de La Petite Maison dans la Prairie ou de Huit ça suffit et le Daytime Soap comme Les Feux de l’amour (ou Amour Gloire et Beauté) ont le vent en poupe. L’idée de David Jacobs qui a conçu le scénario et de CBS n’est pas forcément de se lancer dans une saga au long cours et d’ailleurs 5 épisodes seulement sont prévus au départ. En transposant la trame de Roméo et Juliette dans le Texas contemporain, Jacobs ignore alors qu’il va créer le combustible pour enflammer le public, lui qui avait tenté sans succès juste avant de vendre une série se déroulant en Californie dans la middle-class américaine.
Son intrigue place donc une jeune femme d’origine modeste au sein d’une richissime famille dont elle épouse le fils cadet et ce mariage va provoquer une lutte sans merci entre les deux clans. Si ce point de départ est l’ADN de son récit, la famille de riches pétroliers dans laquelle il plonge sa jeune héroïne va vite devenir le centre névralgique de son histoire.
Il crée une véritable galerie de personnages autour de la jeune femme (Pamela Barnes incarnée par Victoria Principal) et tisse des liens conflictuels entre les différents protagonistes qu’il développe rapidement, se retrouvant bien vite avec beaucoup d’éléments. Pour interpréter tous ces personnages, trouver la distribution idéale ne se fait pas sans difficultés d’autant que la série réunit pas moins de trois générations différentes. Si pour le rôle de Bobby le jeune mari de Pamela, le choix de la production se porte sur Patrick Duffy qui sort alors de L’homme de l’Atlantide après que Steve Kanaly ait été approché (il sera finalement choisi pour incarner Ray Krebbs, le régisseur du ranch), c’est une illustre inconnue, Charlène Tilton, qui décroche le rôle de la petite fille gâté de la famille, Lucy. Pour les grands parents ce sont deux comédiens d’expérience qui ne sont pas pour autant des stars qui sont choisis : Barbara Bel Geddes (Sueurs Froides) et Jim Davis seront Ellie et Jock Ewing, la matriarche et le patriarche du clan Ewing. Pour le rôle de J.R le frère aîné de la famille, Robert Foxworth (futur Chase Gioberti de Falcon Crest, autre grand primetime soap des années 80) est contacté. Ce dernier souhaitant que le personnage soit adouci, les producteurs se rabattent alors sur Larry Hagman, connu pour son rôle dans la sitcom Jinny de mes rêves (1965-1969). Pour incarner son épouse Sue Ellen, Linda Gray remplace au pied levé la comédienne Mary Frann initialement choisie, mais le couple est pensé comme extrêmement secondaire au départ. Enfin Ken Kercheval jouera Cliff Barnes, le frère de Pamela et ennemi juré des Ewing.
Diffusé sur CBS le 2 avril 1978, le premier épisode connait un succès limité mais les épisodes suivants diffusés jusqu’à la fin du même mois attirent plus de monde. Un succès qui pousse CBS a commandé à la société de production LORIMAR une saison entière pour la rentrée suivante, le deal étant qu’une histoire soit conclue à chaque épisode mais qu’une trame feuilletonnante soit mise en place pour fidéliser les téléspectateurs. Le début de l’ère pionnière des primetime soaps peut alors réellement commencer.
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Une saison complète va réellement permettre à Dallas de prendre sa vitesse de croisière sous l’impulsion de ses têtes pensantes, les producteurs Leonard Katzman, Lee Rich et Philip Capice qui diligentent une équipe de scénaristes dont David Jacobs (Katzman lui-même écrivant trois des scénarios) pour mener à bien les intrigues de ces 22 nouveaux épisodes. Cette saison diffusée entre septembre 1978 et mars 1979 voit un véritable fil rouge se mettre en place avec une intrigue autour du personnage de Julie Grey, ex-secrétaire de J.R et la saison se conclue par le premier véritable cliffhanger de la série qui voit la vie de Sue Ellen suspendue à un fil. La série ne cessera plus à chaque fin de saison de laisser le sort de ses personnages en suspens afin de tenir en haleine un public de plus en plus accro au clan Ewing. Les personnages de Sue Ellen et de Ray Krebbs connaissent un développement certain mais c’est surtout J.R dont l’importance croît singulièrement. Ce dernier qui fomente des coups bas de plus en plus odieux devient le pivot de la série et, étonnamment, le public ne se lasse pas d’haïr ce personnage campé avec de plus en plus de gourmandise par un Larry Hagman qui en devient l’attraction numéro un.
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Le succès grandissant du programme et la popularité de Larry Hagman mettent Dallas sur une voie royale. Des personnages secondaires récurrents commencent à apparaître et réapparaître au fil des épisodes et à prendre de l’importance dans le flux des intrigues créant une certaine sensation de réalisme. La série glisse de plus en plus vers le feuilletonnant et emprunte au soap opera ses intrigues à tiroirs constituées de lourds secrets de familles, de liens amoureux et de sordides histoires de sexe de toutes sortes, le tout imbriqué dans les affaires de pétrole et les millions de dollars que s’arrachent les Ewing et que convoitent leurs ennemis de plus en plus retors mais ne parvenant pas malgré tout à arriver à la cheville de J.R.
La seconde saison complète va continuer sur le même principe avec des personnages déjà apparus à quelques reprises et qui vont voir leur présence décupler. Kristin la sœur de Sue Ellen et Digger Barnes le père de Pamela et Cliff sont notamment les deux personnages qui vont être au centre de la continuité des intrigues de cette saison tandis que le personnage de Jenna Wade déjà apparu dans la série fera son retour pour deux épisodes. Les apparitions et disparitions de personnages dont la série se fera une spécialité tout au long de son histoire permettent d’entretenir avec les téléspectateurs une certaine connivence qui n’est pas pour rien dans son succès. C’est aussi avec ces personnages interprétés souvent par des comédiens différents des premiers temps que Dallas fera fi d’une certaine crédibilité sans apporter la moindre explication narrative à ces changements , mais sans que cela perturbe franchement les téléspectateurs non plus.
Comme souvent le succès attise la convoitise des comédiens dont la popularité leur assure un soutien de poids dans leurs négociations salariales avec la production. Larry Hagman notamment en profite pour avoir des exigences de plus en plus fortes allant jusqu’à refuser de tourner certaines scènes. La fin de cette saison impacte d’ailleurs directement le personnage de J.R avec sa tentative de meurtre par un tireur inconnu et dont la découverte de l’identité va affoler le public durant plusieurs mois d’autant que les mobiles et les suspects ne manquent pas. A la rentrée suivante, l’épisode Qui a tiré sur J.R réunit aux Etats-Unis jusqu’à 83 millions de téléspectateurs (plus de 300 dans le monde) devant leur télévision, un score faramineux battu seulement en 1983 par la diffusion du dernier épisode de MASH.
Ce triomphe s’étend bientôt au monde entier et dans son pays d’origine la série voit les concurrents apparaître chacun voulant s’emparer d’une part du gâteau. Alors que Flamingo Road ne tient qu’une saison, Dynastie et Falcon Crest cartonnent mais le plus gros succès sur la durée et le plus réussi de tous est à mettre au crédit de David Jacobs qui quitte Dallas pour s’occuper avec Michael Filerman de Knots Landing (Côte Ouest) série dérivée centrée au départ sur Gary, le troisième rejeton Ewing.
Dallas est à cette époque à son firmament et elle le restera quelques saisons. Son côté feuilletonnant devenu sa marque de fabrique est pourtant marqué par un imprévu de taille à la fin de sa troisième saison quand Jim Davis qui interprète le rôle de Jock Ewing disparaît brutalement. Toute l’équipe est durement secouée et les têtes pensantes de la série décident de faire disparaître le personnage avec la mort de l’acteur, ce qui influe évidemment sur toutes les lignes narratives suivantes même si il faudra quelques semaines pour que les scénaristes les incluent dans les intrigues déjà en cours. La figure de Jock Ewing et son portrait emblématique accroché dans les bureaux des Pétroles Ewing puis sur les murs de Southfork conserveront une grande importance tout au long de la série puisqu’il y sera fait explicitement référence à de nombreuses reprises. Autre conséquence de cette disparition, la place plus importante que va prendre Ellie Ewing obligée d’arbitrer le combat fratricide entre Bobby et J.R pour prendre la tête des Pétroles Ewing. Puis sa rencontre et son remariage quelques années plus tard avec Clayton Farlow (Howard Keel), propriétaire du ranch de Southern Cross et pétrolier texan à la stature proche de celle de Jock mais qui ne le remplacera jamais.
En saison 7, Barbara Bel Geddes, renonce à son rôle pour problèmes de santé. Elle sera remplacée par Donna Reed sans explication renouant ainsi avec une habitude des première saisons mais cette fois-ci ni l’équipe, ni le public, n’adhèreront à la comédienne et Barbara Bel Geddes reprend sa place dès la saison suivante, une fois guérie. La série connait alors ses premiers gros soubresauts et voit même son rival numéro un, Dynastie, la supplanter dans les taux d’audience. Pire, Patrick Duffy souhaite à son tour quitter la série pour donner un nouvel élan à sa carrière. Mais si le personnage de J.R est devenu la figure incontournable du show, c’est Duffy qui rallie tous les suffrages de popularité auprès du public. La série semble alors à un tournant de son existence. L’épisode de fin de saison 7 intitulé Le Chant du Cygne et d’une durée exceptionnelle d’une heure dix se conclue par la mort de Bobby, laissant des millions de téléspectateurs inconsolables. La séquence de son décès, extrêmement poignante réunit tous les personnages emblématiques de la série et culmine sur un sommet d’émotion. A ce moment-là, on se dit que la série ne survivra pas au départ de Patrick Duffy et la saison 8 ne viendra pas contredire ce pressentiment. Les intrigues se poursuivent mais la série chute de plus belle et Patrick Duffy accepte de revenir en saison 9. Le stratagème pour le faire ressusciter est abracadabrant même si les fans de l’acteur et du personnage sont aux anges. La saison 8 était un cauchemar de 31 épisodes fait par Pamela. Exit toutes les intrigues mises en place par les scénaristes au prix d’invraisemblances incroyables, mais le retour de Duffy est le moyen de faire en sorte que la série reprenne du poil de la bête. Ce choix va paradoxalement couper la série d’une partie de son public, furieux d’avoir été manipulé par des scénaristes qui ont poussé les curseurs trop loin.
Au-delà de ces choix hasardeux, il convient d’analyser la situation sous un autre angle, à savoir que la série au bout de huit saisons commençait à s’essouffler et à ne plus être en phase avec son époque qui célébrait le capitalisme à outrance. Par ailleurs, outre les départs d’acteurs emblématiques, le fait que Leonard Katzman ait été écarté à son tour de ses fonctions n’est sans doute pas pour rien dans le fait que la série s’enfonce peu à peu et dans la désaffection du public. La saison 9 voit Katzman revenir aux manettes pour tenter de redresser ce qui peut encore l’être et Patrick Duffy revient avec des prérogatives créatrices élargies (ainsi qu’un salaire conséquent). Mais décidément il semble que le destin de Dallas soit de plus en plus sinueux car en plus de vouloir tenter de raccrocher les wagons autant que possible, les scénaristes sont confrontés à la décision de Victoria Principal de quitter à son tour la série en fin de saison. La distribution souffrira de fortes coupes sombres la saison d’après avec les départs conjugués de Steve Kanaly et Priscillia Beaulieu Presley. Peu à peu la série s’embourbe dans les audiences et ne doit son salut qu’à la pugnacité du duo Hagman-Duffy qui fait tout pour redonner ses lettres de noblesses à Dallas. En faisant venir du sang neuf avec tout un tas de jeunes comédiens qui intègrent la distribution et en concevant des intrigues accrocheuses et lorgnant vers l’action et le suspense, la série perd quelque peu de son ADN et ne conserve que ses réels aficionados.
L’ultime épisode de Dallas est diffusé le 3 mai 1991. Conçu sur le modèle du film de Franck Capra, La Vie est Belle, ce dernier épisode signé Leonard Katzman, déconcerte le public en étant totalement en marge de la narration classique et déconnecté des épisodes précédents. On y voit un J.R déprimé en proie à des envies suicidaires ainsi que plusieurs personnages qui reviennent pour ce dernier tour de piste mais le final est loin d’être convaincant d’autant que Katzman imagine une fin ouverte nous laissant dans l’expectative quant au sort de J.R. Pour savoir ce qu’il en est réellement, il faudra attendre cinq ans et le téléfilm Le Retour de J.R qui sera suivi deux ans plus tard d’un second téléfilm titré La Guerre des Ewing, avant qu’une suite ne voit le jour en 2012 sur la chaîne TNT. Forte de trois saisons, la série qui s’intéresse entre autres aux enfants de J.R et Bobby, voit Larry Hagman et Patrick Duffy reprendre leurs rôles. Mais la mort de Larry Hagman durant le tournage de la saison 2 donnera lieu à un véritable adieu au personnage le plus représentatif de la série. Dallas tire sa révérence définitive le 22 septembre 2014.
Le saviez-vous ? 7 faits marquants sur Dallas
En 1986 un téléfilm de 3h est produit. Intitulé Dallas Quand tout a commencé il raconte les jeunesses conjuguées de Jock, Ellie et Digger.
Barbara Eden partenaire de Larry Hagman dans la série Jinny de mes rêves interprète LeAnn De La Vega durant la saison 13
Linda Gray a joué dans un autre soap éphémère Model’s Inc (série dérivée de Beverly Hills 90210 et de Melrose Place) en 1994 produit par Aaron Spelling, tandis que Victoria Principal était dans Titans en 2000-2001 produite également par Spelling.
Sasha Mitchell qui incarne James Beaumont le fils illégitime de J.R durant les saisons 12 et 13 a retrouvé Patrick Duffy dans Notre Belle Famille dans laquelle il incarne Cody le neveu de Frank Lambert le personnage interprété par Duffy.
La série a eu de nombreuses guest-stars ou rôles semi récurrents au fil de son histoire : Loïs Chiles (Moonraker), Christopher Atkins (Le Lagon Bleu), Marc Singer (V), Steve Forrest (Section 4), Jack Scalia (Devlin Connection, Tequila et Bonetti), George Kennedy (Airport, Le Canardeur), Sheree J. Wilson (Walker Texas Ranger)…
Patrick Duffy et Larry Hagman ont réalisé de nombreux épisodes de la série avant d’intervenir comme producteurs exécutifs.
La version française du générique est interprétée par le groupe Dallas (Paroles Michel Salva, Musique Jean Renard)
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