Alors que Paris Police 1905 devrait arriver bientôt sur Canal+, nous vous rappelons pour pourquoi Paris Police 1900 est une réussite.
C’est quoi Paris Police 1900 ? Le président Félix Faure vient de mourir. La République, épuisée par l’affaire Dreyfus, prise en étau entre les ligues nationalistes et antisémites et la menace anarchiste, n’a jamais paru si faible. Alors que le préfet Lépine est rappelé pour maintenir l’ordre dans Paris, le cadavre d’une inconnue retrouvé dans la Seine entraîne Antoine Jouin, inspecteur ambitieux de la criminelle, et Jeanne Chauvin, une jeune avocate, au cœur d’une enquête complexe. Cette affaire intéresse aussi Joseph Fiersi, inspecteur corrompu qui engage comme moucharde la courtisane Meg Steinheil. Ces personnages que tout oppose devront s’unir pour affronter un coup d’état.
« Produire un choc dès le premier épisode” (Fabien Nury)
Ces mots du créateur de la série Fabien Nury correspondent bien au sentiment qui se dégage des premiers instants de la série.
Si on les combine à ce que le producteur de la série Emmanuel Daucé disait à propos du début de sa série Les hommes de l’ombre – “Il faut capter l’attention du spectateur dans les 5 premières minutes sinon il s’en va et ne revient pas” – alors on comprend mieux que cette nouvelle fiction frappe fort d’entrée. Mais pas comme un gadget, le propos très fort l’est au service d’une histoire qui l’est tout autant sur l’ensemble des 8 épisodes.
Paris Police 1900 nous a plus que convaincu : la série est un projet complet, qui dit des choses sans prendre de gants, au service d’une histoire passionnante du début à la fin.
Mais revenons d’abord au projet en lui même. La nouvelle Création Originale de Canal s’inscrit dans la grande tradition française des feuilletonnistes du XiXème siècle, les ancêtres des séries télé que l’on connaît et regarde aujourd’hui, comme le rappellent Fabrice de la Patellière et Vera Peltekian (Canal+) : “Nous sommes en France héritiers d’une tradition feuilletoniste du 19 e siècle d’une richesse incroyable. Pour autant, nous considérons souvent le feuilleton comme une forme académique et illustrative. PARIS POLICE 1900 a voulu revendiquer cet héritage tout en assumant une écriture sérielle moderne, pour un spectacle total, à la fois populaire et exigeant, qui fait appel aux codes du western, au roman noir, à l’expressionisme mais aussi à l’âge d’or de la comédie italienne.”
Ces quelques mots permettent de saisir au plus près de ce que l’on voit durant 8 épisodes : Paris Police 1900 est une série exigeante ET populaire, un mariage souvent périlleux chez nous mais tellement répandu ailleurs, à l’image d’un Peaky Blinders outre Manche.
Pour coller aux demandes de la chaîne (insérer une trame policière dans la fiction historique – eh oui même sur Canal on a ce type de demandes !) sans sacrifier son propos, Fabien Nury exhume une affaire non résolue – “l’affaire de la valise sanglante en 1899”- et la mélange avec son propos historique fort, selon un vieil adage qu’il maintiendra durant toute la série : “Je préfère extrapoler qu’inventer“.
Il précise même : “C’est Canal+ qui a demandé d’insérer une enquête criminelle avec des policiers dans la série historico-politique. Dans les journaux de l’époque, j’ai trouvé une affaire non résolue d’avril 1899 : l’affaire de la “valise sanglante”, un corps mutilé retrouvé flottant dans la Seine. Et comme cette affaire était restée irrésolue, je pouvais broder ma propre résolution et la lier par la fiction à l’histoire du Fort Chabrol“, traitant les personnages historiques “comme des personnages de fiction“.
Pour un résultat au-delà des espérances ?
Paris Police 1900 frappe fort … mais laisse certains personnages de côté
Visuellement sublime et ne minimisant jamais la violence des images (la série est réalisée par Julien Despaux (Ép 1-4), Frédéric Balekdjian (Ép 5-7) et Fabien Nury (Ép 8)), Paris Police 1900 est, si on veut garder des références françaises plutôt de convoquer des exemples étrangers, une sorte de préquelle sombre aux Brigades du Tigre, teintée de l’esprit de la superbe tentative de France 2, Empreintes Criminelles : une série qui raconte son époque sans oublier la nôtre (ce qu’elle dit de cette époque trouve nous parle dans ce que l’on vit aujourd’hui) sans oublier la notion de “divertissement” (au sens noble du terme, à la manière justement des feuilletonnistes). Cette réussite visuelle ne serait rien sans une écriture au cordeau assurée par Fabien Nury avec la collaboration de Benjamin Adam, Thibault Valetoux et Alain Ayroles.
On leur doit cette description d’une époque loin d’être “Belle” où la France par un antisémitisme débridé et assumé (des députés qui se revendiquent antisémites sont présents à l’Assemblée) préfigure les pires heures de notre Histoire à venir. Face à cette description glaçante que l’on ne connaît que trop, la série n’oublie pas son aspect “polar” qui nous entraîne tout au long des 8 épisodes, même si l’histoire qui en découle est sans doute plus “classique” et attendue que la grande “Histoire” qu’elle présente. En tout cas, l’aspect historique a sans doute davantage retenu notre attention. Mais le polar ajouté à la série permet de plus supporter un propos fort. C’est un paradoxe, mais le polar (pourtant glauque) est ici presque une sorte de soupape face à un contexte historique qui donne la nausée.
Un propos fort au service de personnages passionnants qui tiennent de bout en bout la série. Un bémol cependant : on aurait préféré que certains, pourtant centraux comme le jeune inspecteur de police soient plus dessinés. Il est le héros de la série et on peine à s’attacher à lui, un comble car il est l’élément central qui fait le pont entre les deux histoires.
Mais face à une galerie de personnages pour le moins troubles, d’un côté comme de l’autre (y compris le préfet Lépine), il est bien difficile pour les personnages “moins cassés” de prendre l’attention. Dans Paris Police 1900, on retiendra la prestation passionnante de Thibaut Evrard (Fiersi) qui au premier abord se présente comme une sorte de Vic MacKey (The Shield) mais fend l’armure à mesure que son “monde” vacille ; celle d’Evelyne Brochu (Marguerite Steinheil) troublante courtisane qui prend son destin en main.
Mais incontestablement, LA prestation de cette série, celle qui va marquer les esprits, revient à Hubert Delattre. Dans cette série, il n’a plus rien d’un “Nounours” (son personnage dans Zone Blanche, réalisée notamment par Julien Despaux ndlr) et son interprétation de Guérin est en tout point remarquable. Il a pourtant à jouer des choses qui sont pour le moins perturbantes à l’image des tirades antisémites, des exécutions porcines glaçantes, ou de notre hymne national revisité en hymne antisémite, … Charismatique au possible, il incarne Guérin de la manière la plus charismatique qui soit. Une véritable performance !
Paris Police 1900 est la très belle réussite de ce début d’année. Une belle série populaire qui ne néglige ni son propos “romanesque” et polar, ni ce qu’elle veut raconter d’une époque. Un peu comme si l’esprit d’Engrenages avait rencontré celui d’Un village français. On ne peut que se passionner face au champs des possibles qui s’ouvre à elle pour de possibles futures saisons.
Ce que l’on retient de la nouvelle Création Originale de Canal+
Une puissante série populaire ET exigeante
Un univers visuel qui se ressent à chaque instant, tant dans l’image évidemment que dans l’écriture
Une galerie de personnages passionnantes même si on aurait aimé que certains le soient davantage
L’incroyable performance d’acteur de Hubert Delattre (Jules Guérin)
Mention spéciale à la très belle partition musicale de Grégoire Hetzel (Thanksgiving – Art
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