Les gouttes de Dieu transposent l’histoire du manga éponyme avec intelligence et nous offre une histoire riche et enivrante.
C’est quoi, Les gouttes de Dieu ? Œnologue mondialement réputé, Alexandre Léger (Stanley Weber) est décédé à Tokyo. Sa fille Camille (Fleur Geffrier), qui vit à Paris et n’a plus de contact avec lui, se rend alors au Japon pour la lecture du testament. Elle découvre que son père a laissé une cave exceptionnelle rassemblant une collection de vins de prestige évaluée à plusieurs millions d’euros. Mais pour obtenir cet héritage, Camille va devoir affronter au cours de plusieurs épreuves Issei Tomine (Tomohisa Yamashita), un jeune et brillant œnologue qu’Alexandre avait pris sous son aile. De la France au Japon en passant par l’Italie, Camille va devoir identifier plusieurs grands crus… malgré son aversion pathologique pour l’alcool qui lui provoque de violents malaises.
Les gouttes de Dieu (Drops of God) est l’adaptation du manga créé par le duo Yuko et Shin Kibayashi sous le pseudonyme de Tadashi Agi. Tirée de cette série de livres comptant plusieurs dizaines de tomes et à l’immense succès public autant que critique, la mini-série signée par Quoc Dang Tran (Parallèle , Marianne) était donc très attendue, notamment par les fans de l’œuvre originale. Présentée en avant-première lors du dernier festival Séries Mania, cette coproduction internationale (tournée en Français, Anglais et Japonais) commandée par Apple TV est largement à la hauteur – avec toutefois une approche subtilement différente. Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Tout commence à la mort de Alexandre Léger, figure emblématique de l’œnologie, survenue à Tokyo où il vivait depuis des années. Sa fille Camille habite à Paris et n’a plus eu de contact avec lui depuis le divorce de ses parents lorsqu’elle était petite. Toute son enfance, son père n’a cessé d’aiguiser ses capacités gustatives afin de la former à prendre sa suite mais aujourd’hui, Camille a une aversion pathologique pour l’alcool, la moindre goutte provoquant de violents malaises susceptibles de mettre sa vie en danger. Au Japon lors de la lecture du testament, elle découvre que son père a laissé une collection de grands crus d’une valeur inestimable… mais aussi que pour obtenir cet héritage, elle va devoir entrer en compétition avec Issei Tomine, un jeune prodige de l’œnologie que Alexandre considérait comme son fils spirituel. A l’aide de divers indices, tous deux vont s’affronter au cours de trois épreuves où ils devront identifier de grands vins. D’abord réticente, Camille décide finalement de concourir. Encore lui faut-il surmonter son aversion pour le vin, ses malaises physiques… et le lourd passif qui la lie à son père.
Signalons d’abord que, par rapport au manga, la série apporte quelques modifications importantes. Le principal changement concerne le héros japonais qui devient une héroïne française, Camille, interprétée par l’excellente Fleur Geffrier. Face à elle, Tomohisa Yamashita (Alice in Borderland) est tout aussi formidable. Et profitons-en pour citer parmi les autres comédiens Cécile Bois, Gustave Kerven ou encore Stanley Weber.
Pour le reste, Les gouttes de Dieu s’empare de l’essence de l’histoire et de son esprit, et évidemment du milieu de l’œnologie. Car il s’agit bien sûr d’une histoire de vins. Côtes-du-Rhône, cuvées italiennes, grands crus du Médoc, petites productions locales moins prestigieuses mais non moins excellentes : on arpente les caves, les vignobles et les salles de vente entre spéculations des collectionneurs, expertises des œnologues, dégustations dans les restaurants, récoltes dans les vignes, amour du terroir (comme dans les jolies séquences tournées à Châteauneuf-du-Pape).
L’une des difficultés majeures consistait sans doute à rendre à l’écran l’expérience de la dégustation elle-même, d’exprimer en images les émotions gustatives. Ce que la série tente de traduire à sa manière, avec d’un côté le jeu minimaliste de Tomoshita Yamashita reflétant la discipline et la rigueur de Issei et de l’autre, les sensations de Camille illustrées par des explosions de couleur et un palais mental qui ressemble à un labyrinthe. Des scènes fortes, toutefois rapidement abandonnées.
Globalement, la série est – un comble ! – plus sobre que le manga, dans le sens où elle en atténue le côté fantasmagorique et mélodramatique. C’est un choix que l’on suppose assumé, et qui fait sens a fortiori parce qu’il permet de mettre l’accent sur quelque chose de plus large, qui va bien au-delà du vin. Car le vin sert de contexte, presque de prétexte à une histoire plus universelle. A travers la compétition que se livrent à distance les deux personnages , Les gouttes de Dieu évoque pêle-mêle la famille, le poids de l’éducation, l’héritage, la transmission. L’aspect le plus intéressant, c’est justement la manière dont par le prisme du vin, les Gouttes de Dieu parle de la façon dont on se construit par rapport à ses parents, en vertu ou contre la relation que l’on a avec eux.
Camille, fille biologique de Alexandre, garde les stigmates d’une enfance chaotique dont tous les souvenirs sont liés aux épreuves que son père lui imposait, aliénant leur relation à son obsession vinicole. De son côté, Issei rejette la voie tracée par son grand-père à la tête de l’entreprise familiale pour revendiquer l’héritage (matériel et symbolique) de Léger, le mentor qui l’a pris sous son aile À travers les relations que chacun entretenait avec le défunt (et la relation qui se crée entre eux), la lutte qui les oppose devient presque une quête existentielle. Un récit initiatique à la découverte du vin et surtout de soi-même : après tout, in vino veritas.
La tentation étant trop forte, on se prête aux jeux de mots vinicoles : Les Gouttes de Dieu est une excellente cuvée. Moins extravagante et moins lyrique que le manga, la série est au contraire plus réaliste et pragmatique dans son approche du monde du vin ; elle reste en revanche aussi forte dans son évocation des questions plus générales de la transmission et des liens familiaux. Portée par les excellents Fleur Geffrier et Tomohisa Yamashita, c’est une série ample, qui ne manque pas de bouquet et qui se déguste avec plaisir.
Les gouttes de Dieu.
8 épisodes de 52′ environ.
Le 21 Avril sur Apple TV+.
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