Tirée d’une affaire criminelle, The girl from Plainville soulève des questions perturbantes – autant sur les faits que sur la manière dont elle les représente.
C’est quoi, The girl from Plainville ? Conrad Roy (Colton Ryan), 17 ans, est retrouvé mort dans une camionnette, asphyxié par les gaz d’échappement. La cause du décès ne fait aucun doute : il s’agit d’un suicide. Mais en examinant son téléphone portable, un inspecteur de police (Kelly AuCoin) s’interroge. Il découvre une série de SMS échangés avec une certaine Michelle Carter (Elle Fanning), résidant dans la ville de Plainville. Et si cette jeune fille avait joué un rôle dans la mort de Conrad ? Si c’était elle qui l’avait poussé à mettre fin à ses jours ? Tandis que Michelle se rapproche de la famille du défunt, l’enquête commence et une procureure s’empare du dossier…
2014, dans le Massachusetts. Sur un parking isolé, on retrouve Conrad Roy, 17 ans, mort dans la camionnette de son père après avoir inhalé les gaz d’échappement. Dépressif, il avait déjà été hospitalisé après une tentative de suicide et l’affaire est donc vite classée. Sauf qu’un inspecteur a des doutes : Conrad échangeait depuis des mois des SMS troublants avec une certaine Michelle Carter. L’enquête va démontrer que la jeune fille l’a encouragé à se donner la mort et même – détail particulièrement sordide – que lorsque Conrad est sorti du véhicule dans une ultime pulsion de survie, elle l’a incité à retourner à l’intérieur. Au terme d’un procès hyper médiatisé aux États-Unis, Carter a été condamnée à deux ans et demi de prison pour homicide involontaire.
Voilà pour les faits, qui laissent déjà entrevoir toute la complexité, l’ambiguïté et le malaise que peut créer cette affaire. Toutes les questions qu’elle peut soulever sur la personnalité de la victime et de la condamnée, sur le rôle de chacun, sur le niveau de responsabilité qu’a joué chaque protagoniste dans cette tragédie – dont s’empare The girl from Plainville (disponible sur Starzplay).
Il y a au moins deux aspects à prendre en compte dans la série: le récit de l’affaire et le regard subjectif sur Michelle. Du côté de la narration, il est vite évident que le développement est trop long. On ne s’embarrasse pas de circonvolutions dans le premier épisode et, puisqu’il s’agit d’une histoire vraie et connue (du moins du public américain), il n’y a pas de place pour le suspense. La série s’ouvre sur la découverte du corps de Conrad, la détresse de sa famille, leur rencontre avec cette Michelle qui affirme être la petite amie de la victime mais dont ils ignoraient jusqu’à l’existence, les premiers soupçons de l’inspecteur et le déclenchement de l’enquête. C’est presque un récit purement factuel, qui suit l’article du magazine Squire ayant servi de matière première.
Malheureusement, on tourne vite en rond. Malgré des bribes d’informations sur le passé des deux protagonistes principaux – les circonstances de leur rencontre ou leur contexte familial respectif notamment – l’histoire ne cesse de se répéter. Le comportement de Michelle devient de plus en plus erratique, les soupçons de la police se confirment et l’étau se resserre autour d’elle, la famille de Conrad se débat avec un sentiment de culpabilité… Mais la série fait souvent du sur place au cours des huit épisodes de 40 minutes – quand la moitié aurait certainement suffi.
Et il y a aussi un deuxième aspect, à la fois beaucoup plus intéressant et beaucoup plus perturbant (ceci expliquant peut-être cela) : le portrait que dresse la série de Michelle Carter. Lors de son procès, la vraie Carter a été décrite comme une manipulatrice cruelle voire un monstre froid. The Girl from Plainville, elle, dépeint une toute autre personnalité : celle d’une fille naïve, tourmentée, mal dans sa peau.
L’habileté de la série réside dans la manière dont, tout en parvenant à humaniser Michelle, elle ne l’excuse jamais. Car on se heurte en permanence à la douleur des Roy. Conrad, submergé dans les flashback par la souffrance morale; sa mère (Chloé Sevigny) qui se sent coupable d’avoir été aveugle à la dépression persistante de son fils ; son père, qui tente de se convaincre qu’il a fait tout ce qu’il a pu; sa sœur et ses amis, de plus en plus mal à l’aise face à Michelle.
Et malgré tout, on ressent parfois une brève pointe d’empathie envers Michelle (en grande partie grâce à la formidable interprétation de Elle Fanning), ou du moins à entrevoir les raisons de son comportement pourtant délirant, à mesure qu’on découvre son profond mal-être. Anorexique, mal dans sa peau, elle ne se sent jamais à sa place et ressent le besoin d’exister à travers une grande et bouleversante histoire d’amour. Il y a quelque chose de profondément troublant dans la manière dont elle interprète sa relation avec Conrad, dont elle ré-écrit leur histoire en mentant à la famille du défunt, à la sienne, à ses amies – et à elle-même. Dans des scènes oniriques, on pénètre dans ses fantasmes, ses rêves et ses délires. Au point que, à un certain moment, il devient difficile de déterminer si elle est sincère envers Conrad ou si elle le manipule, si elle a conscience de la perversité du jeu qu’elle joue avec la famille Roy, si elle est dans le déni ou dans une démarche sadique.
Qui est donc Michelle Carter ? Monstre sadique, jeune femme en souffrance ou personnalité troublée entre ces deux extrêmes ? Ce n’est pas tant la réponse ou l’absence de réponse qui est troublante, mais la question elle-même lorsqu’on la confronte à une déclaration de la mère de Conrad. Celle-ci expliquait récemment dans une interview que ce qui l’inquiète, avec cette série, c’est qu’on se concentre davantage sur Michelle que sur son fils avec « une tentative de défendre ses actions perverses ». Une phrase qui vous hante, quand vous regardez The girl from Plainville.
The girl from Plainville
8 épisodes de 45′ environ.
Sur Starzplay le 10 Juillet.
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