Claustrophobes, s’abstenir : Vigil nous plonge dans un thriller prenant, entre la terre ferme et les profondeurs sous-marines.
C’est quoi, Vigil ? Lorsque le corps d’un membre de l’équipage est découvert à bord du HMS Vigil, sous-marin de la Royal Navy naviguant dans les eaux territoriales britanniques, la police charge l’inspectrice Amy Silva (Suranne Jones) de procéder à l’investigation. Elle n’a que trois jours pour enquêter dans les coursives et découvrir ce qui s’est passé tandis que sur la terre ferme, sa collègue et compagne Kristin Longacre (Leslie Rose) coordonne les opérations avec les autorités militaires. Mais ce qui semblait n’être au départ qu’une mort accidentelle cache en réalité une affaire beaucoup plus complexe, susceptible de mettre en péril la sécurité nationale.
Avec une série dont l’intrigue se déroule principalement à bord d’un sous-marin, on peut se permettre des jeux de mots faciles avec une absence de subtilité assumée. Et on y va franco : Vigil, diffusée en Septembre dernier sur la BBC, a créé un… tsunami en terme d’audience : plus de dix millions de spectateurs ont plongé dans le premier épisode de la série écrite par Tom Edge (The Crown, Cormoran Strike). En France, elle sera prochainement diffusée sur Arte après avoir été présentée lors du dernier festival Séries Mania.
Avec seulement six épisodes de 50 minutes environ, on ne perd pas de temps : la première scène spectaculaire donne le ton, à bord du HMS Vigil qui donne son titre à la série. Nous voilà embarqués à bord de ce fleuron de la défense britannique, sous-marin immergé en continu sensé rester indétectable pour effectuer exercices et patrouilles. La mort suspecte d’un sous-officier conduit à un accord entre la police et la Marine afin qu’un enquêteur soit envoyé à bord, et c’est l’inspectrice Amy Silva qui descend dans le sous-marin. Elle ne tarde pas à découvrir que ce que les officiers du submersible ont présenté comme une overdose accidentelle est en réalité un meurtre.
Dès lors, l’enquête est divisée en deux. D’abord l’inspectrice Silva à bord du sous-marin : confrontée aux séquelles psychologiques d’une tragédie qui l’a frappée des années plus tôt, elle se heurte aussi à l’hostilité d’une partie de l’équipage parce qu’elle est une civile et, pire encore, une femme. Sachez que ce n’est qu’en 2014 que des femmes militaires ont été enrôlées à bord d’un sous-marin britannique. En outre, elle est quasiment livrée à elle-même en raison du protocole, ne peut pas communiquer avec l’extérieur et doit se contenter des messages cryptés que lui envoie sa collègue restée à terre. Dans le même temps justement, sur la côte écossaise, sa compagne l’inspectrice Longacre enquête sur le passé du défunt tout en faisant la liaison avec une Royal Navy prompte à brandir le secret défense pour donner le moins d’informations possible.
Ces deux aspects sont à la fois intrinsèquement liés et indépendants : ils concernent la même enquête mais se déroulent chacun de leur côté. Séparer l’histoire en deux lieux différents est une des forces de la série, l’idée permettant de construire deux intrigues symétriques mais concomitantes qui se complètent et se répondent, dans deux atmosphères radicalement différentes entre la terre ferme et le huis-clos du sous-marin. Et tandis que Longacre découvre une affaire beaucoup plus complexe à terre, Silva est laissée dans l’ignorance à bord du Vigil où la tension et les soupçons créent une atmosphère toujours plus délétère.
Vigil transforme ainsi une simple affaire de meurtre en une série d’espionnage aux multiples ramifications : disparition mystérieuse d’un bateau de pêche, incident survenu en Floride, présence d’un groupe activiste anti-nucléaire, implication d’hommes politiques, de la Royal British Navy, du MI5 et même des services secrets russes et de la Marine américaine. Derrière le who dunnit en huis-clos se dessine un véritable thriller géopolitique et cette dimension donne rétrospectivement tout son sens à un dialogue entendu dans le premier épisode. Lorsque Silva lui lance « nous ne sommes pas en guerre », un sous-officier rétorque : « C’est une illusion. Nous sommes toujours en guerre. » Une guerre qui ne dit pas son nom, faite de bluff, de désinformation et de dissuasion nucléaire pour tenter de déstabiliser les pays ennemis. Voire les pays alliés.
Malgré quelques lourdeurs (dont des flash-back parfois dispensables), Vigil finit par faire converger toutes les intrigues dans un ultime épisode intelligent en refermant une à une toutes les portes. La résolution du meurtre et tout ce qui se cache derrière évidemment, mais aussi plusieurs arcs narratifs centrés sur les personnages secondaires et sur la relation amoureuse entre les deux héroïnes. Vigil bénéficie du reste d’un casting remarquable : outre la géniale Suranne Jones (Scott and Bailey, Doctor Foster) et Leslie Rose (Game of Thrones, The good fight) dans les rôles principaux, citons Stephen Dillane (Game of Thrones) Martin Compston (Line of Duty) Shaun Evans (le jeune inspecteur Morse de Endeavour) ou encore Connor Swindell (Adam dans Sex Education).
Si l’histoire complexe est globalement bien menée, Vigil tire surtout parti de son cadre principal : ce sous-marin aux airs de boîte aussi hermétique qu’un cercueil, bourré de technologie et doté de la puissance nucléaire mais isolé de quasiment toute communication. Un espace clos où les protagonistes sont confinés dans un état de tension permanente, avec en plus un meurtrier à bord. Bref, Vigil l’a bien compris : le lieu idéal pour construire une histoire claustrophobe pleine de tension, d’angoisse et de paranoïa.
Thriller en huis-clos et enquête plus classique où deux inspectrices se heurtent respectivement à la hiérarchie phallocrate d’un sous-marin, au mur du secret défense et à des enjeux géopolitiques qui les dépassent, Vigil cache un complot menaçant directement la sécurité nationale derrière un meurtre apparemment banal. Le scénario soigné, la réalisation spectaculaire, la reconstitution époustouflante de l’intérieur du sous-marin et ses acteurs excellents permettent à la série de nous… immerger dans cette histoire haletante. Allez, un dernier pour la route ? Ne laissez pas Vigil passer sous vos radars.
Vigil
6 épisodes de 50′ environ.
Les 13 et 20 Janvier sur Arte.
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