Sur Amazon Prime, la série française Totems nous plonge en pleine guerre froide avec un récit prenant à la réalisation soignée.
C’est quoi, Totems ? En 1965, le scientifique Francis Mareuil (Niels Schneider) est enrôlé par Charles Contignet (Lambert Wilson) au sein des services du renseignement extérieur français. Sa mission consiste à entrer en contact avec un ingénieur russe afin d’obtenir des informations et éventuellement de le faire basculer dans le camp de l’Ouest. Lors d’un colloque à Berlin-Est, Mareuil rencontre la fille de l’ingénieur, Lyudmila (Véra Kolesnikova), chargée contre son gré par le KGB de surveiller son père. Au milieu des opérations menées par les différentes agences, ils tombent sous le charme l’un de l’autre.
Après Mixte et avant la comédie Darknet-sur-mer, c’est une autre série française que propose Amazon Prime : Totems, créée par Olivier Dujols (Le Bureau des Légendes, Falco) et Juliette Soubrier (Zone Blanche). La série a été présentée en avant-première lors de la dernière édition du Festival Canneséries et nous avons pu voir les cinq premiers épisodes, sur les huit que comporte cette saison.
Nous sommes en 1965, Francis Mareuil est un scientifique passionné par l’aérospatiale mais cantonné à des tâches subalternes en raison du passé de son père, mis en cause dans des affaires d’espionnage. C’est pourtant vers lui que se tourne le chef du SDECE (les services de renseignement extérieur de l’époque) Charles Contignet, qui souhaite l’enrôler dans le cadre d’une mission capitale. A savoir approcher, espionner voire retourner un scientifique russe en charge d’un programme militaire spatial secret pour le compte de l’URSS, mais connu pour ses tendances pacifistes et ses liens avec la France. En collaboration avec l’agent Virgil (José Garcia est bluffant), Mareuil se rend à Berlin Est lors d’un colloque afin d’entrer en contact avec sa cible. C’est là qu’il va faire la connaissance de la fille de celui-ci, la belle Lyudmila. Alors que son mariage avec Anne (Ana Girardot) bat de l’aile, Mareuil n’est pas insensible au charme de la jeune femme – bien qu’elle travaille, contrainte et forcée, pour le KGB.
Quand on met dans la même phrase les mots « espionnage » et « série française », il est difficile de ne pas penser au Bureau des légendes. Si Totems s’inscrit dans le même genre, elle le fait de façon très différente. Ne serait-ce que parce qu’elle situe son action à une autre époque – la guerre froide, alors que la tension est à son comble entre les États-Unis et l’URSS et que le monde est globalement divisé entre les deux camps. Outre les fortes tensions géopolitiques et idéologiques inhérentes, on retrouve aussi le contexte de l’époque comme la situation des femmes avec la question de l’avortement.
L’époque se ressent donc dans l’intrigue, mais aussi dans la mise en œuvre. Car ce qui frappe immédiatement, c’est l’ambiance et l’atmosphère qui imprègnent Totems dès les premières minutes. Avec une réalisation sobre voire austère mais puissante, la série nous entraîne du Paris des années 1960 à Moscou en passant par Berlin ou l’Algérie en jouant autant sur la reconstitution de l’époque que sur une palette de couleurs élégantes mais sombres. Au point qu’on a parfois l’impression que l’image est en noir et blanc, comme dans les rues de Berlin faiblement éclairées par les réverbères. Au milieu de ces séquences d’espionnage et d’action (particulièrement efficaces, au passage), surgissent quelques moments étrangement poétiques lorsqu’on s’attache à la relation naissante entre Francis et Lyudmila – à l’image de leur rencontre, qui n’est pas sans rappeler une certaine scène du Roméo + Juliette de Baz Luhrmann.
CIA, KGB, services secrets français, officiers traitants, noms de code, missions secrètes, Berlin Ouest, Checkpoint Charlie, courses poursuites, interrogatoires musclés, missions de surveillance… Sur le plan de l’écriture, Totems reprend les éléments des thrillers d’espionnage dans le sens le plus traditionnel du terme, et on pense davantage aux grands films de Hitchcock (L’homme qui en savait trop, par exemple) qu’à la série de Eric Rochant. Écrite entre autres par François Uzan et Julien Anscutter, Totems construit ainsi méthodiquement une histoire solide qui, malgré les références aux grand classiques du genre, s’en écarte en montrant l’espionnage sous un angle différent : plus réaliste et moins romancée, dans la lignée de The Company (roman de Robert Littell adapté en mini-série en 2007) elle nous plonge dans le monde interlope des services secrets à travers ce Francis Mareuil qui en l’occurrence n’est pas un espion de formation et qui découvre que l’espionnage est certes une activité pleine d’adrénaline et d’action, mais aussi et surtout d’angoisse, de moments éprouvants, de phases de doute et de choix entre morale et raison d’état.
L’histoire d’amour est du reste au cœur de la série : c’est cette attirance réciproque qui se développe entre les deux protagonistes qui perturbe leurs missions respectives. Lui travaille pour les services secrets français et la CIA américaine ; elle espionne sous la menace pour le KGB. Se pose alors pour chacun d’eux le dilemme insoluble entre leurs sentiments, la crainte de voir leurs proches en danger et l’allégeance envers leur pays. Plus on avance dans la série, plus elle se focalise sur les personnes prises au milieu de cette tourmente. La romance entre Lyudmila et Francis, mais aussi les répercussions sur Anna ou l’addiction aux médicaments de Virgil. Et c’est aussi ce qui donne à Totems une touche particulière : cette dimension humaine, qui va au-delà de l’histoire d’espionnage.
Avec sa réalisation élégante et son intrigue prenante, Totems nous immerge dans un excellent thriller d’espionnage en plein cœur des années 1960, mais aussi dans une histoire d’amour et dans les destins croisés de ses protagonistes. De sorte que si les amateurs du genre y trouveront forcément leur compte, les autres s’attacheront aussi à ses personnages forts et notamment à ces deux héros, plongés dans la tourmente de la guerre froide et de leurs sentiments. Car l’espionnage, comme le cœur, a ses raisons que la raison ignore.
Totems
8 épisodes de 50′ environ.
Le 18 Février sur Amazon Prime.
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