Près de quinze ans après The Wire, David Simon et George Pelecanos retournent dans les rues de Baltimore avec We own the city pour nous raconter l’histoire vraie de flics ripoux.
C’est quoi, We own this city ? Dans les années 2000, l’insécurité règne dans les rues de Baltimore. Jusqu’à ce que soit créée la GTTF – Gun track task force – dirigée par le sergent Wayne Jenkins (Jon Bernthal). Cette unité d’élite composée d’officiers en civil lutte contre la criminalité et plus précisément contre le trafic d’armes et de drogue qui gangrènent les rues. Mais en 2017, le FBI alerté par de multiples plaintes, ouvre une enquête. Tous les regards se tournent vers le GTTF et vers son leader qui, depuis des années, ont recours à tous les moyens pour assurer la mission qui leur a été confiée. Jusqu’à basculer dans la violence, l’intimidation et la corruption.
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Près de quinze ans après la fin de The Wire – considérée par certains comme la meilleure série de tous les temps – David Simon et George Pelecanos nous ramènent à Baltimore avec la mini-série We own this city. Basés sur le livre du journaliste d’investigation du Baltimore Sun Justin Fenton, les six épisodes racontent l’histoire vraie d’un groupe d’intervention de la police de la ville dont les membres (dans le plus pur style de la bande de The Shield) étaient sensés éradiquer le crime, lutter contre le trafic de drogue et protéger les citoyens, mais qui ont abusé de leur pouvoir de toutes les manières possibles (violence, intimidation, fabrication de preuves et même revente de la drogue) en toute impunité pendant longtemps. La ville, effectivement, était à eux.
We own this city peut dérouter par l’ampleur de son récit, sa narration fracturée et le nombre de personnages introduits dès le premier épisode (du reste, tous parfaitement interprétés par des acteurs tels que Josh Charles, Jamie Hector, Wunmi Mosaku notamment). Sur près de deux décennies et au gré de multiples sauts temporels, une quinzaine de protagonistes apparaissent et interagissent dès le premier épisode. Policiers, anciens policiers, procureurs, victimes, criminels, membres de la task force, FBI, ministère de la justice : autant de points de vue ou de petites tesselles qu’il faut patiemment assembler pour reconstituer la mosaïque.
D’emblée, différentes intrigues se développent entre 2000 et 2017. Le principal dénominateur commun, c’est la GTTF, ce groupe d’élite dirigé par Wayne Jenkins (remarquable Jon Bernthal). C’est d’ailleurs lui qui ouvre la série avec un monologue, alors qu’il explique à ses recrues comment conquérir et dominer les rues par l’intimidation verbale ou la violence physique. Et Jenkins va devenir l’un des symboles de la corruption policière dans l’histoire récente des États-Unis comme nous le découvrons lorsque nous suivons les dernières étapes, en 2017, d’une enquête fédérale consécutive aux multiples plaintes pour corruption et brutalités.
Les plaintes ont pourtant longtemps été ignorées, comme l’a constaté avec incrédulité la procureure de la division des droits civiques Nicole Steele lors de ses entretiens avec d’anciens policiers, des politiciens et des responsables de la police de Baltimore dont Sean Suiter, un inspecteur de la division homicide impliqué malgré lui dans l’affaire. Progressivement, la multiplication des témoignages et points de vue révèlent la faillite d’un système obsédée par les résultats. La fin justifie les moyens : si les chiffres sont bons, peu importe comment ils sont obtenus.
Avec Pelecanos et Simon, on sait dans quoi on met les pieds : un récit documenté et dense, pas forcément facile d’accès mais passionnant dès qu’on s’y plonge. Le duo a toujours construit ses séries et mini-séries comme une radiographie sociopolitique centrée sur une époque ou un microcosme communautaire pour dire quelque chose de la société américaine. Avec The wire, nous avons exploré différentes facettes des dessous de la ville de Baltimore ; avec Treme, la Nouvelle-Orléans après le passage dévastateur de l’ouragan Katrina ; avec The Deuce, l’essor de la pornographie et de la prostitution dans le New York des années 1970 / 1980. We own this city suit le même procédé et s’inscrit dans cette lignée, d’autant que les thèmes abordés rappellent évidemment The wire (écoutes téléphoniques, missions de surveillance, trafic de drogue, statistiques de la police.) We own this city, c’est un peu comme une mise à jour. Le temps a passé, la société a évolué, les noms ont changé, la police a accès à des technologies plus modernes… mais le système est toujours pourri.
Dans la série, nous ne sommes pas témoins de la mort tragique de Freddie Gray ; elle est toutefois mentionnée dans presque tous les épisodes. Arrêté par la police de Baltimore qui l’a accusé d’être armé d’un couteau, ce jeune Afro-Américain est décédé en avril 2015 lors de sa garde à vue des suites des blessures (trachée écrasée et cou brisé…) résultant de sa détention brutale. Cette affaire a servi de détonateur : elle a déclenché des vagues de protestations et des émeutes dans les rues de Baltimore , elle a surtout braqué les projecteurs sur la police en général et sur celle de Baltimore en particulier. Un événement charnière omniprésent en filigrane dans We own this city, un point de bascule qui marque un avant et un après. Jusqu’à ce que, en 2020, on prenne conscience que l’après n’a été qu’éphémère : c’est ce qu’a bien montré la mort de George Floyd et l’impact mondial du mouvement Black Lives Matter.
Fondamentalement, David Simon ne crée peut-être rien de neuf avec We own this city, il est fidèle à son style, à ses thèmes de prédilection et à la ville de Baltimore. Oui, mais il sait parfaitement ce qu’il fait et il le fait très bien : avec ce récit solide, construit et réfléchi, il veut dire quelque chose , il sait comment le dire et le dit à merveille. Simon nous offre un nouveau drama policier sombre, violent et puissant, d’autant plus emblématique et pessimiste que tiré de faits réels.
We own this city
6 épisodes de 55′ environ.
Sur OCS en US+24.
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