Dans cette série d’espionnage classique teintée d’humour british, un agent du MI-5 placardisé tente de rétablir sa réputation.
C’est quoi, Slow Horses ? Vieil espion désabusé, Jackson Lamb (Gary Oldman) dirige une sous-division du MI-5 où sont envoyés les « slow horses », agents marginalisés après des échecs lamentables. River Cartwrigh (Jack Lowden) en fait désormais partie, après avoir foiré un exercice dans les grandes largeurs. Loin de se contenter du travail ingrat qu’on lui assigne, il entend laver sa réputation. Alors que le MI5 et sa sous directrice Diana Taverner (Kristin Scott-Thomas) sont sur la brèche après l’enlèvement d’un jeune homme d’origine pakistanaise par un groupe de suprémacistes, Cartwright entrevoit un lien avec une clé USB dérobée à un journaliste. Il commence à enquêter, malgré l’interdiction de sa hiérarchie.
Slow Horses joue sur du velours. Des romans à succès comme base de départ, un casting solide emmené par deux grands noms, une mise en œuvre classique matinée de la petite touche d’humour britannique qui fait le reste : voilà le tiercé gagnant de la série, disponible sur Apple TV. Plus précisément, les romans sont ceux de Mick Herron ; les deux grands noms, Gary Oldman et de Kristin Scott-Thomas ; à une intrigue d’espionnage classique s’ajoute une touche d’humour sarcastique et pince-sans-rire very british. Oh, et pour le plaisir, ajoutons-y un générique, Strange game, écrit et interprété par un certain Mick Jagger. It’s only rock ‘n’ roll, but we like it.
Le premier épisode s’ouvre sur une scène d’action haletante : le jeune agent River Cartwright, lancé à la poursuite d’un potentiel kamikaze dans un aéroport, plaque violemment son suspect sur le tarmac. Pas de bol, il s’est trompé de mec et le vrai kamikaze se fait exploser ; coup de chance, il ne s’agissait que d’une simulation. Il n’en reste pas moins que River, pourtant précédé de la réputation de son grand-père (Jonathan Pryce) lui-même légende du MI5, est grillé avant même d’avoir posé un pied sur le terrain.
Quelques mois plus tard, il a été muté à Slough House, un bâtiment vétuste qui fait office de purgatoire pour les agents qui ont foiré des missions et sont surnommés avec mépris les « slow horses » par leurs collègues. Cartwright y rejoint un hacker qui n’en fiche pas une (Christopher Chung), un agent (Dustin Demri-Burns) qui a oublié des documents top secret dans un train, une ex-espionne dépressive (Saskia Reeves)… Sous les ordres de Jackson Lamb, un vétéran du MI-5 amer et cynique, tous sont cantonnés à un travail aussi inutile qu’ingrat. River fouille ainsi les poubelles d’inconnus sans savoir ce qu’il est sensé trouver ou même chercher… jusqu’au jour où il pense découvrir un lien entre l’enlèvement hyper médiatisé d’un jeune pakistanais et un journaliste en disgrâce vaguement surveillé par l’agent Baker (Olivia Cooke). Contre les ordres de Lamb et du MI5, il décide d’enquêter et entraîne dans son sillage les tocards de Slough house, histoire de prouver qu’ils valent encore quelque chose.
Oubliez James Bond, George Smiley (interprété au cinéma par un certain… Gary Oldman) ou même Austin Powers. Les agents de Slow Horses sont à des années-lumière de ces espions efficaces, stylés et charismatiques. Désenchantés, traumatisés et sans aucun intérêt pour leur travail, ils sont la risée du reste du MI-5. On se doute bien que l’histoire de ces bras cassés de l’espionnage se prête parfaitement à l’humour anglais, soit dans sa dimension la plus absurde remplie de nonsense, soit dans une tonalité plus subtile et pince-sans-rire. La série a opté avec intelligence pour la deuxième option, de sorte que les situations rocambolesques restent crédibles, les punchlines dévastatrices et la dérision omniprésente ne nuisent jamais à l’intrigue principale.
Sans renoncer totalement à son ton de comédie même si elle l’atténue un peu, Slow Horses donne ainsi progressivement davantage d’importance à son intrigue d’espionnage. Pleine d’action, de suspense et de rebondissements, la série nous plonge dans une ambiance volontiers sombre, parfaitement adaptée à ce monde de trahisons, de doubles jeux et de secrets et à l’histoire au cœur de la saison. En arrière-plan, on découvre aussi des détails sur le passé des personnages, on apprend quelle bévue les a expédiés à Slough House, comment ils vivent cette mise au rebut. Petit à petit, tous gagnent en profondeur et en importance – y compris ceux qui semblaient ne devoir jouer que les utilités.
Cartwright s’annonce au départ comme le héros de la série – c’est à travers son regard que l’on découvre Slough House et que l’on progresse dans l’enquête. Or, si le talent de Jack Lowden n’est pas en cause, il est vite totalement éclipsé par Jackson Lamb. D’abord parce que le personnage est magnifiquement écrit, plein de nuances et beaucoup plus complexe qu’on ne le pense au début. Et surtout, parce qu’il est incarné par un Gary Oldman tellement parfait qu’on en pleurerait.
Il y a quelque chose de rebutant et de fascinant à la fois chez ce vétéran du MI5. Un type irascible, vulgaire et brutal qui n’a pas vu une douche depuis plusieurs mois, trop occupé à humilier et rabrouer ses agents depuis son bureau encombrés de cendriers pleins et de bouteilles vides mais qui, selon son ancienne acolyte Diana Tarvener, est pourtant aussi détestable que brillant. Et on ne peut que lui donner raison à mesure qu’il montre un peu de ses compétences mais aussi de ses zones d’ombre et de son passé trouble au sein des services secrets. Et ça tombe bien : la deuxième saison, déjà prête, se dévoile dans une bande-annonce qui promet de lui laisser la part belle.
Portée par un Gary Oldman irrésistible, Slow horses nous offre une intrigue d’espionnage efficace et prenante, matinée d’une touche d’ironie toute britannique. On ne décroche pas, tout au long des six épisodes qu’on enchaîne… à bride abattue. N’envoyez pas trop vite ces slow horses à l’équarrissage : ils courent peut-être moins vite que les autres, mais quel régal de les suivre quand ils partent au triple galop !
Slow Horses
6 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Apple TV+.
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