Sauvage, décadent et excessif, le dernier film de Damien Chazelle est une ode fougueuse au cinéma hollywoodien des années folles
Babylon c’est quoi ? Ce film raconte d’abord une époque, Los Angeles des années 1920. Une période pleine de bouleversements, c’est la transition d’un monde au sein duquel des personnages (Margot Robbie, Brad Pitt, Diego Calva) vont se heurter aux réalités de l’époque, pour tenter de briller, d’exister. Certains de ses personnages connaissent une ascension fulgurante tandis que d’autres chutent. Tout le début du film est vu à travers les yeux du mexicain Manny Torres (Diego Calva) qui s’éprend de l’irrésistible Nelly LaRoy (Margot Robbie), qui manifeste une ardeur de vie et une volonté de succès insatiable. Le jeune Manny va rapidement faire sa place au sein d’Hollywood grâce au coup de pouce de Jack Conrad (Brad Pitt), star de cinéma muet qui se retrouve bientôt sur la touche. Ces trois personnages évoluent dans cette société aussi barbare que fantastique, dressant un portrait sans demi-mesure de la création du temple du 7e Art : Hollywood.
L’essentiel
Ce cinquième long métrage mis en scène par Damien Chazelle est le résultat d’un travail long de 15 ans. D’après le dossier de presse, le réalisateur nourrissait l’idée d’un film sur « une société en pleine mutation » avant même de passer derrière la caméra. Plus précisément, c’est l’idée l’idée de « rupture » des personnages qui venaient réussir à Hollywood à cette époque, qui a intéressé le réalisateur. Il explique que « certaines personnes en sont sorties indemnes, mais beaucoup n’ont pas réussi ». Damien Chazelle s’est donc penché sur le « coût humain » propre à cette époque, ce coût humain nécessaire pour servir les ambitions auxquelles aspiraient les jeunes actrices, metteurs en scène ou producteurs. A la musique on retrouve Justin Hurwitz, fidèle compositeur du réalisateur depuis leur rencontre à l’université d’Harvard. Ce dernier avait déjà gagné 2 oscars pour La La Land (2016). On a également la talentueuse Florencia Martin au décor (Blonde, Licorice Pizza, Her), qui a réalisé un travail titanesque pour reconstituer ces fêtes surréalistes. Enfin le casting est impressionnant. Les rôles sont campés par Margot Robbie, Brad Pitt, Tobey Maguire (également co-producteur) et le jeune Diego Calva. Cela prouve que Damien Chazelle est arrivé à un sommet : certains des acteurs les plus bankables et connus du monde ont partagé l’affiche pour ce film musical qui dure plus de 3h ! Chapeau.
On aime
« J’ai toujours voulu faire partie de quelque chose de grand (…) quelque chose qui reste, qui veut dire quelque chose, qui est plus important que la vie » jubile Diego Calva aka Manny dans les premières heures de sa rencontre avec Nelly LaRoy (Margot Robbie). Par cette simple phrase, on comprend au fur et à mesure que ce film est un formidable hommage au cinéma. Le réalisateur nous plonge dans un univers où malgré la difficulté de l’industrie, le cinéma continue à faire quelque chose qui justifiera toujours tout : faire rêver. La célébrité crée la jalousie, l’art confronte l’industrie, le succès implique l’échec, l’ascension appelle la déchéance, sans parler de la transition historique : la découverte du cinéma parlant met un terme au cinéma muet et ses acteurs au passage. Tout cela est montré avec brio et le réalisateur nous immerge dans un monde qui malgré son côté chronophage et survolté, nous attire indubitablement.
C’est de l’essence même du cinéma dont le réalisateur parle : se réveiller mousquetaire, devenir cosmonaute au déjeuner pour finir en Tarzan le temps d’une soirée. Telle est la vie des comédiens. De plus, la difficulté de tourner en studio avec pellicule de l’époque, est aussi très bien cernée. A un moment du film, on assiste à une scène incroyable avec Margot Robbie qui refait quinze fois la même scène, jusqu’à rendre fou furieux le metteur en scène. Mais lorsque la scène est enfin bouclée, c’est l’euphorie totale. Car c’est aussi ça le cinéma, une joie dingue après un combat diablement rude. On ressent énormément d’émotions dans ce gigantesque tourbillon de plan-séquences mettant en scène des acteurs en transe, dans des décors extravagants. Il n’y a aucun temps morts. C’est un film à l’image de cette époque : c’est à dire violent, très rythmé et bouleversant. Toute l’ambition que nourrissent les protagonistes sont ponctués d’excès, de drogues et de fêtes endiablées. C’est notamment Margot Robbie qui en paie les conséquences, cependant elle incarne toute l’époque car elle est totalement allumée. Comme un fil incandescent qui brille et qui cherche tant à briller, qu’il grille et disparait dans l’obscurité. Quant à la musique, elle fait l’unanimité, c’est un triomphe. les sons des années folles sont remis au goût du jour et laissent miroiter une nouvelle récompense pour Justin Hurwitz.
On aime moins
Babylon. On peut dire que le film porte bien son nom, n’en déplaise à certains, c’est un film qui ressemble à un bordel monumental. Telle est l’intention du film, c’est donc justifié. Si on doit trouver des choses à redire, c’est surtout la longueur du film. Sans parler de ce rythme haletant qui peut lessiver le spectateur. Même justifié, ce rythme effréné nous fait tout de même regarder notre montre au bout de quelques heures. On pourrait aisément placer ce film dans la catégorie des « films spectacles », c’est à dire des films qui comprennent qu’il ne faut pas laisser une seconde de répit au spectateur, captiver son attention à tout bout de champ. Comme s’il était difficile pour un spectateur de rester concentré, si par mégarde, un plan durerait plus de 30 secondes. D’où la quantité de plan mobiles et travellings en tout genre. Sauf que dans cette tradition de « film spectacle » où l’on peut volontiers mettre Sans filtre (2022) ou Le menu (2022), on les distingue des blockbusters car il y a une patte, il y a un auteur, une symphonie esthétique et vibrante qui a lieu de se nommer artistique. C’est le cas de ce film de Damien Chazelle, qui une fois de plus, accomplit un film musical d’exception. En dépeignant une époque folle, des personnages touchants et fascinants, il signe une véritable lettre d’amour au cinéma.
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