Hervé Hadmar, à qui l’on doit avec son comparse Marc Herpoux, de nombreuses sublimes séries, signe seul sa première série Romance, une histoire d’amour à travers le temps, disponible en novembre sur Paramount+.
C’est quoi Romance ? 2020. Jérémy a 32 ans. Il habite Paris. Solitaire, « refusant d’appartenir à son époque », il tombe amoureux d’une femme sur une photographie. Une photo prise à Biarritz en 1960. Romance, c’est l’histoire d’une rencontre qui n’aurait pas dû avoir lieu ; une rencontre amoureuse, passionnelle qui va bouleverser des destins et changer des vies. 2020 : Jérémy découvre un club « le Wonderland ». On y chante et on y danse le rock. Ce club, inexplicablement, va servir à Jérémy de « porte ». Un passage entre le Paris des années 2020 et le Biarritz des années 60. Un voyage dans le temps… à la fois effrayant et merveilleux.
Biarritz été 1960 : le début du surf ; l’arrivée du rock ; le soleil et l’insouciance. Jérémy rencontre la femme photographiée. Elle se prénomme Alice et elle aussi porte un mystère. Alice : un passé à découvrir, un secret à dévoiler, un amour à vivre… et un destin à sauver.
La majesté d’une romance
Pour la première fois avec une série, Hervé Hadmar officie sans son brillant acolyte scénariste Marc Herpoux. Les deux compères ont signé des œuvres importantes que l’on parle, de Au delà des murs, Les oubliées ou Pigalle la nuit. Dans chacun de ses exemples, le genre côtoie une douce et sombre poésie. Hadmar – Herpoux c’est au fil des années devenu une marque importante, gage de qualité quand on aime les séries. Qu’allait devenir Hervé Hadmar en se plongeant dans l’aventure en solitaire d’une série télé ?
Si on a jamais douté de son talent pour diriger seul une série, on était loin d’imaginer qu’il parviendra non seulement à se dépasser mais aussi à se transcender au point de donner naissance à une de ses plus belles fictions.
Romance s’empare de tous les codes vus et revus en télévision pour les faire voler en éclat et les sublimer.
Vous avez déjà vu des films et des séries qui traitent de voyage dans le temps ? Pas de problème, vous n’en aurez jamais vu comme celui-ci. Un voyage dans le temps favorisé par la musique et l’amour qui ne se contente pas simplement de nous renvoyer dans le passé mais qui, grâce à Jérémie nous immerge complètement et littéralement dans les années 60. Par un habile procédé qui nous rappellera entre autre Forrest Gump, la série plonge son couple vedette Alice et Jérémie directement dans de vieux films d’époque, à l’image si reconnaissable des vieilles caméras de nos films de vacances et d’enfance.
Des histoires d’amour, la télévision en offre des centaines ? Sans aucun doute mais impossible de ne pas se passionner pour cette grande, puissante et vibrante histoire à laquelle on ne manquera pas de croire instantanément entre Alice et Jérémie. Si le mot “romance” peut parfois renvoyer à quelque chose de trop léger, superficiel dès lors qu’on l’accole à de la fiction, Hervé Hadmar, par une mise en scène sublime, un montage dynamique et un amour des comédiens indéniables dans la manière dont il les filme, parvient non seulement à le sublimer mais à l’élever au rang d’art. La série est dans chaque plan, chaque intention, un velours délicat sur lequel on a envie de s’attarder. Et l’on se retrouve littéralement hypnotisé par cet univers qui se déploie devant nous en seulement 6 petits épisodes.
11 ans après, Romance est sans aucun doute la plus réponse à Pigalle la nuit que Hadmar pouvait apporter. L’ombre de cette série importante plane tout au long de la série (notamment dès que Hadmar filme en début et en fin de série les rues de Paris).
“Deep blue see, baby. Deep blue see”
Au fil de ses séries, Hervé Hadmar a prouvé son amour des acteurs. Dans Romance, il a su une nouvelle fois s’entourer d’une distribution qui frôle la perfection. Le parallèle avec Pigalle la nuit se poursuit puisqu’il retrouve un Simon Abkarian toujours impérial et d’une classe folle quand il est à ce point dans la retenue. A ses côtés, le couple phare se transforme sous nos yeux à mesure que l’on avance dans la série : Pierre Deladonchamps incarne un Jérémie d’abord “enfantin”, un éternel jeune homme qui idéalise l’amour et la femme et qui se mue en “homme” dès lors qu’il la rencontre ; face à lui Olga Kurylenko sublime au possible, d’abord froide, glaciale et qui devient d’une fragilité extrême quand, au détour d’un épisode (le 4ème), on découvre son passé. Pour compléter le casting, impossible de ne pas mentionner Anne-Sophie Soldaini, révélée dans Profilage puis Speakerine, et qu’on aimerait voir plus tant son jeu pétillant fait un bien fou ; on n’oubliera pas non plus Pierre Perrier (Les revenants) qui complète ce triangle amoureux redoutable et fatal.
Un autre personnage important complète la distribution. Un personnage sans qui le reste ne serait rien : la musique. Une nouvelle fois, Eric Demarsan accompagne le travail de Hadmar mais sur cette partition, il s’est surpassé. Sa musique en vibrant hommage aux belles partitions de la filmographie d’Hitchcock, achève de nous plonger dans ces années 60 que l’on prend plaisir à découvrir, loin des yéyés assourdissants. Chaque note que le musicien a écrite nous bouleverse, nous glace aussi par moment, mais se révèle comme le meilleur des guides dans cet univers que l’on ne connaît finalement pas tant que ça. Mais il y a aussi les nombreux morceaux que l’on entend longuement dans le club Wonderland et qui place Romance comme un très bel écrin pour rendre un hommage vibrant à la musique. Que la série arrive quelques semaines après The Eddy (la série sur laquelle a œuvré Damian Chazelle) nous permet d’affirmer avec encore plus de force que Romance vise en plein dans le mille son hommage à la musique là où malheureusement The Eddy a échoué.
Mais un morceau va vous émouvoir plus que de raison et c’est celui qui permet à Jérémie de venir puis repartir des années 60, c’est “Deep blue see” de Odetta. Cette chanson sublime, mélangée à la caméra de Hadmar filmant Deladonchamps comme jamais, vous offrira sans aucun doute les plus beaux moments de la série.
Romance, une oeuvre parfaite ?
Aucune oeuvre n’est totalement parfaite. Sans doute ici pourra-t-on trouver à redire sur la partie “thriller” qui se développe dans la seconde partie. Non pas parce qu’elle serait ratée, mais sans doute plus parce qu’elle nous fait sortir de la poésie qui parsème la série et nous ramène à des éléments sans doute trop “classiques” au regard de ce qui nous est proposé. Et sans doute aussi car c’est le seul moment où la série ne parvient pas à transformer un cadre ultra connu pour en faire quelque chose de nouveau. Car la clé de la qualité de Romance c’est précisément ça : s’emparer d’un genre ultra rabâché et en faire une poésie qui sonne non seulement comme une déclaration d’amour à la fiction par le respect que Hadmar lu témoigne, mais aussi au cinéma, à la musique … et à l’amour.
Romance, sous une première couche nous présentant une grande et belle histoire d’amour, se pose en un vrai pari pour une fiction française sur une chaîne non cryptée. On citait Pigalle la nuit plus haut mais cette série n’aurait pas pu exister ailleurs que sur Canal+. Romance lui répond et propose pour une chaîne généraliste une série à différentes strates de lecture pour en comprendre toutes les nuances et en saisir toutes les subtilités. Le paroxysme de cette belle subtilité apportée à un public d’une chaîne comme France 2 se retrouve dans la dernière séquence de la série.
La fin de l’histoire ne vous donnera qu’une envie : vous replonger dans Romance pour en percer tous ses secrets.
Romance est avec Pigalle la nuit l’oeuvre la plus réussie à ce jour de Hervé Hadmar. Vibrant hommage à la musique, déclaration amour à l’amour qui transcende tout, la série joue toutes les notes d’une partition parfaite qui ne pourra que toucher la corde sensible de chaque spectateur qui la verra. En ces temps difficiles, Romance sonne juste, fait du bien. Mais au delà de ces considérations émotionnelles, c’est une série importante pour toute la télévision française qui continue de trop se complaire dans un polar sur-présent jusqu’à l’overdose et qui ne parvient que trop peu à se réinventer. Romance ne réinvente pas la romance à la télé, mais elle réinvente une certaine idée que l’on se fait d’une télévision grand public de qualité. Et ça c’est beaucoup !
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