Enquête acharnée, collecte de preuves et témoignages vibrants, le nouveau film de Maria Shrader met en lumière les journalistes de l’affaire Weinstein
C’est quoi She said ? New York, Octobre 2017. Deux journalistes du New York Times, Jodi Kantor et Megan Twohey, commencent une investigation mettant en cause le magnat du cinéma Harvey Weinstein, pour harcèlement et agressions sexuelles. Les rôles sont interprêtés par les actrices Zoé Kazan (Jodi Kantor) et Carey Mulligan (Megan Twohey) qui réalisent un travail remarquable. Petit à petit, le film nous fait voir à travers les yeux des journalistes la découverte du plus gros scandale hollywoodien de la décennie, qui a retentit dans le monde entier. On découvre avec elles le mode opératoire de Harvey Weinstein, qui est tentaculaire et intouchable. Seulement nos deux héroïnes détiennent l’intelligence et la persévérance nécessaire pour mener à bien une incroyable enquête, qui s’étend des États Unis à l’autre bout de l’Atlantique.
L’essentiel
She said est adapté du livre livre-enquête du même nom, écrit par Jodi Kantor et Megan Twohey, publié en 2019. Les deux journalistes avaient remporté après coup le prestigieux prix Pulitzer pour leur travail journalistique. Le scénario de Rebecca Lenkiewicz met donc au centre du film l’enquête, la traque qu’accomplissent avec brio ces deux femmes. Bien que des choses avaient déjà étaient faites sur le sujet, notamment le documentaire L’intouchable, Harvey Weinstein (2019), ce film de fiction est le premier long-métrage qui revient sur l’enquête et cite ouvertement le nom du producteur. La réalisatrice Maria Shrader, plus connue comme actrice, a présenté au NYFF l’avant première mondiale de son troisième film. Ce dernier a alors reçu un bel accueil critique de la presse américaine.
Maria Shrader a aussi réalisé la mini série qualitative Unorthodox sur Netflix, et plus récemment, la comédie romantique de SF, I’m your man, sorti en 2022. She said a cette originalité, à la façon des Hommes du président (1976) de Alan J. Pakula, de prendre l’angle journalistique et de faire vivre l’anxiété et l’excitation des deux enquêtrices au jour le jour. Selon The Gardian « She Said offre tout le plaisir d’un film de journalisme : un rythme soutenu (le film dure un peu plus de deux heures mais semble plus court), un travail tangible et le frisson d’une révélation ». Ce scandale médiatique autour de ce magnat du cinéma a également été à l’origine du déploiement de la vague #Metoo dans le monde entier. C’est pour cela que l’affaire est resté un évènement si marquant. D’ailleurs, Brian de Palma prépare un nouveau long métrage s’intitulant Predator, un film d’horreur inspiré de l’affixé Weinstein.
On aime
Ce film traite du cas Weinstein d’une façon intelligente. On suit cette enquête comme si on était à la place des deux journalistes. Le personnage de Weinstein apparait en effet à l’écran mais on ne le voit que de dos, un véritable colosse. On entend parfois sa voix, un ton irascible. L’effet est là : on sent sa présence durant tout le film. Il est une menace constante qui pèse sur la vie de nos deux héroïnes. C’est un despote aux allures shakespearienne, on nous dévoile le mythe Weinstein, petit à petit, sans être caricatural. C’est l’enchaînement des témoignages, des réponses successives du producteur et des prises de décisions des journalistes qui sonnent justes.Toute l’enquête est fidèle au livre et le spectateur, tel un journaliste, est suspendu aux nouvelles informations qui petit à petit parviennent à nos héroïnes.
Au delà d’un récit haletant et immersif propre à l’enquête, c’est le portrait de deux femmes journalistes que le film dresse avec brio. Zoé Kazan joue Jodi Kantor, la journaliste chétive, qui a l’intuition de l’ampleur du drame et fait naître ce désir d’enquête chez sa collègue Megan Twoney (Carey Mulligan). Elle a l’aplomb et la force nécessaire pour conduire avec elle cette enquête. Ces deux femmes se soutiennent mutuellement et surmontent leur peur de s’attaquer à un personnage qui a un poids aussi gros au sein d’Hollywood. Cette complicité entre les deux femmes est bien transmise et chacun de leur succès est ressenti comme une victoire pour le spectateur. Les actrices jouent donc très justes et le rythme du film est saisissant.
On aime moins
A l’image de scientifiques, l’enquête s’appuie sur des documents, des faits précis, des témoignages conscis. C’est la procédure de l’enquête dirons-nous, mais l’embêtant est que la mise en scène est elle aussi très académique. Elle manque d’originalité. Aussi, on remarquera que si les dialogues fonctionnent bien et la narration est fluide, le spectateur se retrouve sans cesse confronté à quantités d’explications qui n’en finissent pas. Un schéma incessant qui se répète entre témoignage de victime réduites au silence, entretiens avec des avocats et salles de presse. Le rythme ne change pas d’un poil. C’est sa force mais aussi sa faiblesse pour le spectateur qui ne prend pas goût à ce rythme effréné d’enquête.
On remarque également des séquences assez répétitives et des dialogues sans fin, parfois volubiles. Quant aux personnages du film, la petite fille d’Elia Kazan et l’imposante Carey Mulligan incarnent très bien les journalistes. Cependant les autres personnages, comme les familles des journalistes ne servent qu’à montrer que ces dernières sont prises dans le gouffre de l’enquête. On aurait aimé davantage de relief dans les autres personnages, et un directeur du NY Times peut-être un peu moins sérieux et austère. Néanmoins c’est un film qui trouvera certainement son audience, pour son style très prenant et son thème important. Vous pourrez le retrouver dans les salles de cinéma le 23 novembre 2022 !
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