Le mois de mars est traditionnellement dévoué aux Oscars, retour donc en musique sur une compétition qui réserve son lot de surprises.
[« Space Pirate Captain Harlock » – Seiji Yokoyama]
Le 13 février, l’un des pères fondateurs de toute une génération s’en est allé. Créateur, entre autres, d’Albator, Galaxy Express, Queen Emeraldas ou encore de Space Battleship Yamato, Leiji Matsumoto, né Akira Matsumoto en janvier 1938, était mangaka, scénariste, réalisateur et producteur… Un génie du genre s’il en est… et avant tout un Pirate pour l’éternité… Bon vol au gré des galaxies, Monsieur Matsumoto… Continuez de voguer d’étoile en étoile sous la bannière de la Liberté… Et un immense merci pour tout ce que vous nous avez apporté…
[« SérieFonia : Season V : Opening Credits » – Jerôme Marie]
C’est le premier mercredi du mois et c’est SérieFonia. Un mois de mars avant tout marqué par la retransmission prochaine de la 95ème cérémonie des Oscars à Hollywood, qui se déroulera donc ce 12 mars de l’année 2023… afin de récompenser certains des films les plus marquants de 2022. Et cette année, je me suis dit que j’allais tacher de vous aider à vous faire une idée de ce qui nous y attend au niveau musical, en vous proposant de découvrir quelques extraits des compositions des cinq nominés dans la catégorie de la meilleure musique de film… tout en revenant également sur quelques évènements parmi les plus marquants de l’Histoire de cette récompense si particulière… En tout cas, marquants pour moi.
[« John Williams remporte l’Oscar pour E.T. The Extra-Terrestrial (1983) »]
En 1983, John Williams remportait la statuette pour E.T. de Steven Spielberg… Un indémodable. Un intemporel. Un bijou d’aventures et d’émotions universel, qui marque alors la quatrième victoire du compositeur décernée par l’Académie. Souvenez-vous, avant cela, il avait déjà gagné pour…
[« John Williams remporte l’Oscar pour Findler on the Roof (1972) »]
[« John Williams remporte l’Oscar pour Jaws (1976) »]
[« John Williams remporte l’Oscar pour Star Wars (1978) »]
Un violon sur le toit, de Norman Jewison, en 1972… Les dents de la mer, de Steven Spielberg, en 1976… Et bien sûr Star Wars, pour George Lucas, en 1978. Entre 1968 et aujourd’hui, John Williams aura été nominé par mois de 53 fois en 95 ans d’existence de la cérémonie ! Ceci en comprenant également quelques nominations pour des chansons… Mais ce n’est pas la catégorie qui nous intéresse aujourd’hui. Et si je commence par lui, ce n’est pas uniquement pour crier une nouvelle fois ma fascination pour E.T. mais tout simplement parce que, cette année encore, il est en compétition…
[« The Fabelmans – The Fabelmans » – John Williams]
Enfin arrivé sur nos écrans depuis le 22 février, The Fabelmans, le savoureux vrai-faux autoportrait ciné de Steven Spielberg, a déjà remporté les Golden Globes des meilleurs film et réalisateur courant janvier. Ce qui en fait clairement le favori des Oscars de cette année sans que, pour autant, tout soit déjà joué d’avance pour autant. Depuis The Sugarland Express en 1974 (décidément une grande année), Spielberg et Williams ont partagé les affiches de pas moins de 29 films ! Et malgré les 91 ans du compositeur, il serait déjà question que leur histoire commune ne s’arrête pas là… Pour The Fabelmans, John Williams a écrit une partition très courte. De surcroit entrecoupée de morceaux issus du répertoire classique et même de musiques issues d’autres films… Mais shuuuut.. Il ne faut rien dévoiler… Courte, petit-être, mais extrêmement impliquée. Tendre, humble, sincère et ouvertement personnelle…
[« The Fabelmans – Reflections » – John Williams]
Loin des explosions orchestrales d’un Indiana Jones ou d’un Jurassic Park… Loin aussi des rythmes jazzy d’Arrête-moi si tu peux ou du Terminal… Loin encore des expérimentations contemporaines d’un A.I. ou d’un Minority Report… The Fabelmans est peut-être la partition la plus joliment simple et la plus épurée de toutes celles composée pour Tonton Steven… Et c’est pour cela que, je vous l’avoue, je ne le vois personnellement pas vainqueur cette année. Non. Difficile, je pense, de marquer les esprits de l’Académie autant qu’en 1994…
[« John Williams remporte l’Oscar pour Schindler’s List (1994) »]
La liste de Schindler… Si le film peut continuer de diviser, la musique, elle, met presque tout le monde d’accord. A raison. Et dire qu’au départ, John Williams ne voulait pas l’écrire… « Tu devrais prendre un autre compositeur. Il y en a de bien plus compétent que moi » disait-il à Steven Spielberg. Avant que ce dernier ne finisse par lui répondre : « Tu as raison, John… le problème, c’est qu’ils sont tous morts ». Rendez-vous compte… On a failli passer à côté de ça…
[« Schindler’s List – Theme from Schindler’s List » – John Williams]
Avant de passer à celui qui, selon moi, sera son principal concurrent cette année, je voudrais vous entraîner bien des années en arrière… remonter ainsi le cours du temps de la plus célèbre des cérémonies… en m’arrêtant sur certains lauréats légendaires. Historiquement, les premiers a remporter la statuette pour la meilleure musique de film sont Victor Schertzinger et Gus Kahn, pour le film One Night of Love, dont le réalisateur n’est autre que Victor Schertzinger lui-même. Le truc, c’est qu’à l’époque, en 1934, c’est non pas aux compositeurs que l’on remettait l’Oscar mais au responsable du département musical de la production du film ! En l’occurrence, monsieur Louis Silvers… De plus, quelques intrus tels que Verdi, Bizet et Puccini n’avaient pas manquer de « s’incruster » au sein de la bande originale… En fait, il faut attendre 1938 pour que le compositeur se voit enfin personnellement nominé puis décerné le titre en question… Et, symboliquement, ça ne pouvait pas me faire plus plaisir…
[« The Adventures of Robin Hood (1938) – Suite, Live from BBC Proms, 2013 » – E.W. Korngold]
Les aventures de Robin des Bois, avec Errol Flynn dans le rôle-titre, en 1938… Mon film fondateur. Mon premier héros. Mes premières valeurs. Des dizaines et des dizaines de visionnage. Des souvenirs émus. Ma grand-mère. Mon grand-père. Et surtout, surtout, mon premier véritable éveil à la musique. The Adventures of Robin Hood, composé par Erich Wolfgang Korngold, reste pour moi l’une des plus grande œuvres musicales de tous les temps… Je ne vais pas vous refaire tout l’historique, je lui ai déjà consacré un SérieFonia au début de la troisième saison en 2020… Malheureusement, impossible de trouver une retransmission de la cérémonie de 1938. Aussi, je vais néanmoins vous régaler d’un document rare… Le Love Theme du film, interprété au piano solo par Korngold en personne. C’était à l’occasion d’une fête d’anniversaire célébrée en l’honneur de son orchestrateur Ray Heindorf. Et c’était en aout 1951…
[« The Adventures of Robin Hood (1938) – Love Theme, Piano Solo » – E.W. Korngold]
Allez, retour à la compétition ! Le principal concurrent de John Williams, disais-je, est selon moi Justin Hurwitz pour Babylon. Non pas qu’il soit mon favori… loin s’en faut… Mais dans la mesure où il vient déjà de rafler le Golden Globe, il y a de fortes chances qu’il fasse le doublon. D’autant qu’il y a seulement six ans, ça c’était plutôt très bien passé pour lui…
[« Justin Hurwitz remporte l’Oscar pour La La Land (2017) »]
En 2017, il gagne les deux statuettes… celle remise pour la musique et celle remise pour la chanson de l’année avec le La La Land, déjà réalisé par Damien Chazelle. Un rythme entrainant… Une romance impossible sur fond de nostalgie sixties… chorégraphié à l’ancienne… en bref, le plan parfait pour séduire autant les Etats-Unis que le reste du monde… Même si, personnellement, je ne lui aurais plutôt donné son Oscar que deux ans plus tard… pour ça…
[« First Man – Crater » – Justin Hurwitz]
First Man. Également pour Damien Chazelle. Cette relecture de la mission Apollo 11 par le prisme de l’homme et de ses traumas aurait amplement mérité plus d’attention et de reconnaissance qu’elle n’en a reçue… Mais bon, c’est comme ça : le grand public s’enflammera toujours beaucoup plus pour quelque chose dans cet esprit-là…
[« Babylon – Wild Child » – Justin Hurwitz]
Babylon, le film, est volontairement poussif, voire outrancier. Ce qui en fait à la fois sa principale force et sa principale faiblesse. La musique ? Eh bien c’est pareil. Elle est flamboyante. Fort bien exécutée. Mais pas foncièrement surprenante. Au point qu’on a l’étrange impression de déjà la connaître avant même de la découvrir pour la première fois. Non pas qu’elle plagie quoi que ce soit. Loin s’en faut. Mais plutôt qu’elle nous offre un tel voyage en terrain(s) connus(s) que l’on ne s’emballe pas réellement. En tout cas pas au point d’y voir, ou plutôt d’y entendre LA partition de l’année. Vous voulez un autre exemple ? OK…
[« Babylon – Red Devil » – Justin Hurwitz]
Aux côtés d’Hurwitz et de Williams, trois autres challengers sont dans la course. Son Lux pour Everything Everywhere All at Once, Volker Bertelmann pour All Quiet on the Western Front et enfin Carter Burwell pour The Banshees of Inisherin… Que des titres difficilement prononçables… Et là encore trois styles radicalement différents. On pourrait même quasiment dire que, cette année, déterminer un gagnant revient plus que jamais à comparer l’incomparable… Alors, c’est parti, présentations…
[« Everything Everywhere All at Once – A Choice » – Son Lux]
La présence d’un groupe électro pop au sein de la compétition n’a vraiment rien d’habituel… Et pour cause, le film que les trois comparses de Son Lux, puisque c’est comme ça qu’ils s’appellent, mettent en musique n’a vraiment rien d’habituel lui non plus. Everything Everywhere All at Once, c’est du multivers décalé à l’état brut… bien que tout de même souvent potache. On adhère… On n’adhère pas… chacun fera son choix… Reste que la proposition se veut originale, extrêmement dynamique, voire osée, surtout en réaction à un panorama du cinéma d’aventure et d’action contemporain plus calibré que jamais. Le film de Daniel Kwan et Daniel Scheinert… Et oui, deux Daniel, part littéralement dans tous les sens et, du coup, la partition aussi…
[« Everything Everywhere All at Once – The Fanny Pack » – Son Lux]
Comme quoi, les styles, les mœurs et les attentes évoluent… Quoi qu’il en soit, c’est un sacré coup d’éclat pour le trio qui, d’ailleurs, n’en a pas toujours été un… A l’origine, le compositeur Ryan Lott évoluait en solo. Et c’est d’ailleurs à cette période qu’il a travaillé sur la trilogie de films The Disappearance of Eleanor Rigby, réalisés par Ned Benson en 2014… En dehors de ça, Ryan Lott, puis son groupe, n’avaient jamais réellement œuvré pour l’image… Et les voilà nominés aux Oscars ! C’est dingue… Bien entendu, ce n’est pas la première fois que la musique électronique se voit glorifiée d’une telle distinction… Vangelis, qui d’autre ?, avait notamment remporté la statuette en 1981 pour Les chariots de feu… Mais n’était pas présent à la cérémonie. Non, la première fois où le synthé a vraiment fait la « nique à l’orchestre », c’était en 1978…
[« Giorgio Moroder remporte l’Oscar pour Midnight Express (1978) »]
[« Midnight Express – Theme from Midnight Express » – Giorgio Moroder]
Vous avez entendu ça ? Les sonorités nouvelles de Giorgio Moroder l’emportaient sur le « classicisme » de Jerry Goldsmith et d’ Ennio Morricone, face au Superman de John Williams !!! Plus qu’une récompense, la victoire de Midnight Express se voulait une déclaration. Toutes les musiques, tous les genres, pouvaient désormais être reconnus. Ceci-dit, quand seulement deux ans auparavant, on avait entendu ceci…
[« Jerry Goldsmith remporte l’Oscar pour The Omen (1976) »]
Y avait de quoi en rester… coi. Rendez-vous compte… l’Académie qui glorifie… Satan en personne !…
[« The Omen – Ave Satani » – Jerry Goldsmith]
Jerry Goldmsith qui remporte son premier et unique Oscar pour La Malédiction de Richard Donner… Après des monuments tels que La planète des Singes, Patton ou encore Papillon ou Chinatown… Il gagne en faisant scander « Ave Satani » à ses chœurs… Génial. Tout simplement génial. Mais revenons néanmoins au présent et écoutons quelques sonorités allemandes en la personne de Volker Bertelmann…
[« All Quiet on the Western Front – Remains » – Volker Bertelmann]
A l’ouest rien de nouveau expose la désillusion de jeunes soldats allemands une fois sur le front et surtout les tranchées de la Première Guerre Mondiale… Adapté d’un roman de 1929, le film est disponible en France sur Netflix et afin de le mettre en musique, le réalisateur Edward Berger a donc fait appel à celui que l’on surnomme aussi Hauschka et qui, lui aussi, se partage entre musique de film et albums solos. Alors… Si le premier morceau m’a tout de même sacrément fait penser au Amazing Spider-Man 2 de Hans Zimmer… Bah, si, vous voyez, quand les potards à tendance électrique jouent les montées et les descentes intempestives et vous forcent à augmenter ou baisser le son de votre chaîne toutes les 30 secondes…
[« The Amazing Spider-Man 2 – I’m Electro » – Hans Zimmer]
… Je dois admettre que par la suite, Volker Bertelmann a su m’embarquer à travers une large et belle palette d’émotions… qui en ferait presque mon p’tit chouchou de cette année…
[« All Quiet on the Western Front – Comrades » – Volker Bertelmann]
Sauf que… Sauf que… Carter Burwell est également de la fête. Et il se trouve que j’aime bien Carter Burwell… Il a déjà été nominé par deux fois aux Oscars, avec Three Bilboards : les panneaux de la vengeance en 2017… Ainsi qu’avec Carol, en 2015…
[« Carol – Reflections » – Carter Burwell]
Mais on lui doit aussi Psychose 3, le film originel de Buffy, Rob Roy, pas mal de films des frères Coen, euphémisme… le superbe Gods and Monsters pour Bill Condon… sans oublier quelques Twilight… Des mélodies souvent simples en apparence. Mais qui justement cet avantage de proposer des mélodies. C’est devenu tellement peu courant de nos jours que ça fait tout de même sacrément du bien par où ça passe. Et, The Banshees of Inisherin, qui nous intéresse aujourd’hui, ne fait pas exception à la règle…
[« The Banshees of Inisherin – Night Falls on Inisherin » – Carter Burwell]
Voilà, ça y est, c’est le moment où je l’annonce : le score de Carter Burwell pour The Banshees of Inisherin est mon favori de la compétition. Tout simplement parce que, bien qu’étant tout en retenu, il n’oublie jamais de raconter l’histoire du film à sa façon et ne se contente jamais d’en ponctuer les principaux effets désirés. De plus, le compositeur y prend grand soin de rester éloigné au maximum des sonorités Irlandaises dont il aurait pu user à profusion s’il s’était laissé guider par l’évidence et une certaine forme de facilité. Ici, l’album… qui s’écoute d’ailleurs parfaitement seul… est doux, narratif sans être poussif, et nous transporte dans un ailleurs certes quelque peu nébuleux mais non moins confortable. Comme ici, par exemple…
[« The Banshees of Inisherin – The Mystery of Inisherin » – Carter Burwell]
Après, je ne me fais guère d’illusions. Généralement, mes « poulains » se font presque systématiquement jetés ! Je ne me suis jamais remis de la défaite d’Entretien avec un vampire d’Elliot Goldenthal face au Roi Lion d’Hans Zimmer… Pire encore, de celle du Braveheart de James Horner face à… Il Postino de Luis Bacalov ! Non mais… Sérieusement ???!!! Que dire encore du fait que Wojciech Kilar n’ait même pas été sélectionné pour le Dracula de Coppola en 1993 ??? De même, où est passé Légendes d’automne, toujours de Horner… Comment le magistral Cheval de Guerre de John Williams a-t-il s’effacer devant Gravity de Steven Price ?… J’en sais rien… Je ne comprends rien… Alors, je m’accroche désespérément à ces quelques rares moments où j’étais vraiment heureux d’entendre résonner le nom du gagnant… Comme en 2001 notamment…
[« Howard Shore remporte l’Oscar pour La Communauté de l’Anneau (2001) »]
Et plus encore deux ans plus tard, pour la confirmation…
[« Howard Shore remporte l’Oscar pour Le retour du Roi (2003) »]
Mais, j’avoue, la fois où j’ai littéralement chialé devant ma télé, c’était quand j’ai assisté à ça…
[« James Horner remporte l’Oscar pour Titanic (1997) »]
[« Titanic – Rose (Alternate) » – James Horner]
James Horner… Titanic… La consécration… Enfin ! Et j’en profite pour vous encourager à aller immédiatement en salle pour redécouvrir le film dans sa nouvelle version remasterisée 3D… C’est encore plus époustouflant… Voilà… J’espère que grâce à cette émission, vous pourrez suivre la cérémonie de cette année en ayant un peu plus en tête les différents styles et propositions de chacun des cinq compositeurs en compétition… Et je vous quitte sur l’extraordinaire Medley concocté par John Williams à l’occasion de la soirée des Oscars en 2002. Le morceau s’intitule « A Salute to Film Composers » et célèbre pas moins de 50 années de lauréats en un peu moins de 5 minutes… Une prouesse qui remet bien des choses en tête… La seule question étant… Combien parviendrez-vous à en reconnaitre ?
[« A Salute to Film Composers » – John Williams]
A écouter aussi : Le fabuleux destin de Georges Delerue | Seriefonia | VL Média (vl-media.fr)
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