Auteur italien menacé par la Camorra, la mafia napolitaine, Roberto Saviano a rendu hommage à Salman Rushdie dans les colonnes du Corriere della Sera.
Après avoir été poignardé à plusieurs reprises à Chautauqua, dans l’Etat de New York, l’écrivain Salman Rushdie a reçu le soutien de son ami journaliste et auteur italien Roberto Saviano, qui vit lui aussi sous la menace constante de se faire agresser, voir tuer. Salman Rushdie fait l’objet d’une fatwa de l’ayatollah Rouhollah Khomeini depuis 1989, à cause de la parution de son roman «Les versets sataniques», dans lequel il aborde des thèmes sensibles, notamment le fanatisme religieux, en revenant sur des attentats islamistes. Depuis la parution de son livre, Rushdie vivait sous protection policière, comme Roberto Saviano, qui est lui sous la menace de la mafia italienne.
Un livre qui a tout changer
Il aura suffit de la simple publication d’un livre pour voir une vie se poursuivre dans l’ombre, loin de l’espace public, mais surtout à l’abri des balles et des couteaux que pourraient être tenter de lui envoyer des membres de la mafia napolitaine. Il faut dire qu’avec Gomorra, paru en 2007, Roberto Saviano s’est fait beaucoup d’ennemis. Cela fait maintenant quinze ans que l’auteur est menacé de mort par la mafia après ses révélations sur cette dernière. Son roman s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde. Roberto Saviano circule dans des voitures blindées, est accompagné de plusieurs gardes du corps, va d’une chambre d’hôtel à une autre et ne peut pas donner rendez-vous sans prévenir son escorte. Une vie sans vie qu’assume l’écrivain qui se décrit comme « le martyr qui n’est pas mort ». Pendant cette période l’auteur de 42 ans est néanmoins resté prolifique puisqu’il a publié différents livres parmi lesquels on retrouve Piranhas, l’histoire de jeunes mafieux qui sont prêts a tout pour arriver à leurs objectifs, ou encore Je suis toujours vivant, paru cette année.
Un opposant à l’extrémisme
En Italie, la voie de Roberto Saviano a pris de l’importance après la parution de son livre, aujourd’hui, c’est dans l’ombre qu’il livre des avis toujours plus tranchés sur les décisions politiques du gouvernement italien, notamment par le biais des réseaux sociaux. S’il lui est arrivé de se sentir abattu au cours de cette décennie d’ombre et de lumière, l’auteur s’est finalement reconverti en opposant aux extrémistes. Après le passage au gouvernement des populistes du Mouvement Cinq Etoiles et des nationalistes de la Ligue(la Lega) en 2018, l’auteur s’est lancé dans une autre guerre contre Matteo Salvini, ancien ministre de l’Intérieur et leader du parti italien d’extrême droite de la Ligue (la Lega).
Saviano a pointé du doigt la politique migratoire de la coalition au pouvoir et la “xénophobie” affichée par Salvini en 2018. Ce dernier avait alors suggéré de lever la protection policière de l’écrivain. «Au cours des dernières années, j’ai subi une énorme pression. Alors tu crois que je peux avoir peur de toi ? Bouffon !» lui avait lancé l’écrivain. Après la découverte d’une femme et d’un enfant morts en Méditerranée, il a ciblé Salvini dans un tweet : «Quel plaisir cela vous donne-t-il de voir mourir des enfants innocents en mer ? Matteo Salvini, ministre de la Mala Vita (de la “mauvaise vie”, qui renvoie à la mafia et au clientélisme), la haine que vous avez semée vous renversera.» Salvini a alors porté plainte pour diffamation tout en continuant à interdire aux ONG de venir en aide aux migrants dans les ports italiens. «En Italie, en ce moment, il manque une “intelligentsia” pour mobiliser sur le problème des migrants, constatait Gianluca Di Feo, le vice-directeur de La Repubblica. Comme il n’y a plus d’opposition crédible, que la gauche n’existe plus, Roberto est très exposé car il s’est investi fortement sur le thème de l’immigration.»
Son hommage à Salman Rushdie
Dans les colonnes du Corriere della Sera, l’auteur de Gomorra a écrit en soutien à son homologue et ami, violemment attaqué il y a quelques jours. «Les coups qui ont fendu la chair de Salman Rushdie ont touché un homme libre», peut-on ainsi lire dans le quotidien italien. Roberto Saviano a notamment salué son choix de réduire sa protection policière au fil des années, alors que, depuis l’attaque de vendredi, cette absence de sécurité a suscité l’étonnement.
«Quand j’ai appris qu’il avait été poignardé, je n’ai pas pensé, comme beaucoup d’autres, que Salman avait eu tort de vivre sans escorte policière, et que s’il avait été protégé, l’agression n’aurait pas eu lieu», a-t-il développé. «J’ai pensé, au contraire, à son courage de vivre pleinement : au fond, la blessure de cette lame ne pèse que quelques instants au regard des années de vie qu’il est parvenu à soustraire à la menace du fanatisme et à la condamnation des bigots. Salman a déjà gagné, son amour fanatique de la vie a fait reculer le fanatisme mortifère qui voulait le contraindre à vivre reclus, prudent, et discrètement égal à soi-même. Quoi qu’il advienne, son triomphe est là».
Voir aussi : 5 éléments pour comprendre … l’affaire Salman Rushdie
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