Du début à la fin, c’était beau. Depuis les hymnes et le haka dans un stade plongé dans le noir, jusqu’au coup de sifflet final qui a scellé le sort d’une rencontre passionnante et indécise, le match entre le XV de France et la Nouvelle-Zélande a été une formidable publicité pour le rugby. Une promotion si belle qu’elle a engendré une immense frustration pour les All Blacks: celle de ne pas retrouver la meilleure version des Bleus l’été prochain, lors d’une tournée où Fabien Galthié a déjà annoncé qu’il laisserait de nombreux cadres au repos, notamment les finalistes du Top 14.
« Cher XV de France. S’il vous plaît, envoyez la meilleure équipe possible en Nouvelle-Zélande l’année prochaine. Parlez avec le Top 14 et trouvez une solution. Le match d’aujourd’hui nous rappelle que rien ne peut battre un vrai match international. Nos enfants adoreraient voir Dupont, Ntamack, Penaud dans leur jardin », a écrit un internaute néo-zélandais samedi soir sur X (ex-Twitter).
Sur RugbyPass, Nic Bishop a développé le même sujet. « Que ne donnerait pas le public néo-zélandais du rugby pour voir des joueurs comme Mauvaka et Meafou en attaque, et Damian Penaud et Louis Bielle-Biarrey à l’arrière, visiter leurs côtes en juillet prochain – sans même murmurer le nom du « meilleur joueur du monde » par-dessus le marché ? », écrit-il, en référence à un certain Antoine Dupont.
Nic Bishop évoque la rivalité entre les Bleus et les Blacks au fil des ans, en rappelant les instants de bravoure tricolores face aux Néo-Zélandais, lors des Coupes du monde de 1999 et 2007, ou avec l’essai du bout du monde en 1994. « Si l’Afrique du Sud est la « femme » de rugby de la Nouvelle-Zélande depuis longtemps, la France est sa maîtresse, vivant dans l’ombre. (…) C’est à Galthié et compagnie de faire en sorte que cela se produise, de raviver l’une des plus grandes histoires d’amour du rugby », écrit le chroniqueur de RugbyPass.
Galthié n’a pas trop le choix…
Malheureusement, Fabien Galthié a été très clair sur ce point la semaine dernière dans L’Equipe. « J’ai beaucoup réfléchi à ce principe des tournées qui sont, je le maintiens, ce qu’il y a de plus beau dans le rugby international. Partir 4-5 semaines, aller vivre l’expérience, c’est magnifique. J’adore ça, nous adorons tous ça. Aller gagner une tournée en Nouvelle-Zélande, c’est énorme, a assuré le sélectionneur des Bleus. Mais comment on fait quand on sait que, par exemple, World Rugby dit qu’un joueur ne doit pas dépasser six feuilles de match d’affilée avant d’être au repos. On sait très bien que les joueurs dits premiums sont très sollicités après le Tournoi (en mars) et jusqu’à la phase finale de Top 14. Par expérience, entre les cinq matches du Tournoi, les quatre de la phase finale de Coupe d’Europe, les trois de celle du Top 14, les matches de fin de saison pour se qualifier, on arrive à quinze matches, parfois vingt. (…) Comment voulez-vous que je rajoute pour ces garçons un mois de compétition en juillet, trois matches certes fabuleux mais d’une intensité maximale ? On se rapprocherait des quarante matches, c’est pas possible. Nous, on avait tablé sur trente-cinq, ce qui est déjà énorme. »
Pour Fabien Galthié, il faut malheureusement rester raisonnable, et faire des choix. « Si on joue trop, on va emmener ces garçons dans une régression, explique-t-il. J’ai vécu en tant que joueur les départs en tournée fatigué. C’était un calvaire et, à l’époque, on jouait moins. Comment fait-on pour ne pas cramer cette population-là ? Moi je rêve d’emmener notre meilleure équipe en Nouvelle-Zélande. Mais ça voudrait dire que les clubs seraient prêts à ne pas revoir leurs meilleurs joueurs en septembre, ni en octobre. C’est très dur pour les clubs, qui les payent. » Et c’est difficile aussi à entendre pour les Néo-Zélandais, qui n’auront pas droit au « vrai » XV de France. « Ils sont tristes ? Mécontents ? Je suis d’accord avec eux », avoue Galthié.