On regarde ou pas ? Rictus, le nouvel OVNI de OCS

OCS sait proposer des séries à l’univers bien barré et qu’on ne voit pas ailleurs. Rictus ne cède pas à la règle et constitue l’un des paris les plus fous de la chaîne.

C’est quoi Rictus ? Dans un monde dystopique d’où le rire, jugé dégradant, a été aboli, Stéphane, citoyen exemplaire et employé modèle, est chargé de repérer les hors-la-loi. Casque sur les oreilles, à l’affût du moindre gloussement, il veille. Mais sa routine se grippe lorsqu’il rencontre Céline, sa nouvelle stagiaire. C’est plus fort qu’elle : à son contact, la jeune femme ne peut s’empêcher de s’esclaffer. Car bien malgré lui, Stéphane et ses mimiques ont un indéniable potentiel comique. Kidnappé par les Rebelles, poursuivi par les Ajusteurs, l’implacable police du rire, Stéphane, au mépris de son devoir, osera-t-il transgresser toutes les lois et se frotter aux délices subversifs du rire ?

L’essentiel

Avec Rictus, OCS retrouve le genre de dystopie qu’elle a déjà tenté avec Nu notamment. Imaginez un monde pas si éloigné du nôtre mais qui aurait “vrillé” ! Pour raconter cette histoire, on retrouve à l’écriture Arnaud Malherbe & Marion Festraëts qui nous avaient déjà proposés Chefs (France 2) ou Moloch (Arte), charge à lui de mettre en scène cet univers étrange, décalé, dérangeant même porté par une distribution il faut bien le dire remarquable comme Fred Testot, Ophélia Kolb, Youssef Hajdi, Constance Dollé,
Anne Charrier, Eddy Leduc, Julien Jacob, Pascal Demolon, Olivier Charasson, Maxime Attard, François Rollin, GiedRé, Moussa Mansaly, et tant d’autres. Avec un format propre à OCS mais pas forcément facile pour de l’anticipation feuilletonnante (9×26), il faut présenter le monde et ses codes, les enjeux, faire avancer les trames et les personnages, tout en surfant sur la ligne de crête sensible : celle de l’humour et de l’absence d’humour. Car faire rire avec un humour dépourvu volontairement de toute forme d’humour, c’est tout sauf facile !

“Le rire tue. Ensemble, tuons le rire”

On aime

On va être très franc : c’est sans aucun doute l’une des critiques les plus difficiles à faire. Pas seulement parce que la série est clivante, c’est en soit plutôt une très bonne chose. Mais parce qu’il y a autant de choses qui nous embarquent que de choses qui nous laissent totalement de côté.
Saluons d’abord l’écriture de Rictus qui pose assez clairement à la fois les bases de cet univers, mais aussi les enjeux qui von courir tout au long de la saison. Comme c’est souvent le cas, Arnaud Malherbe & Marion Festraëts nous font une proposition certes singulière à bien des égards mais aussi d’une radicalité totale. Si les deux premiers épisodes servent d’exposition, la série prend ensuite (trop ?) son temps pour faire monter la tension, avant deux épisodes de fin assez remarquables. Avec un réalisateur également à l’écriture, la série d’offre une mise en images de toute beauté, davantage il convient d’être honnête dans les décors intérieurs qu’extérieurs. Dès que l’on pénètre dans l’Agence, dans les lieux clandestins ou dans le théâtre, Arnaud Malherbe et sa directrice de la photographie (Pénélope Pourriat) font littéralement des merveilles, s’offrant même des références par moment au cinéma de genre (comme lorsque Steph aka Fred Testot, est “testé” par les Ajusteurs). Enfin, soulignons le travail remarquable de l’excellent Flemming Nordkrog qui signe une musique bouleversante de mélancolie, mais aussi l’écriture des chansons notamment par la toujours brillante GiedRé, qui sait ce qu’est de manipuler un humour qui peut aller très loin.

On aime aussi certains moments de fulgurance et de véritable poésie bouleversante à l’image de l’épisode 8, qui devrait rester comme un grand moment de télévision et de fiction, avec une partition collégiale qui nous sidère littéralement, partagée par Fred Testot / Ophélia Kolb (bouleversante) et François Rollin (brillant) dans un hommage éclatant aux clowns. Et ce n’est sans doute pas un hasard si c’est par un hommage aux clowns que la série bascule à bien des égards dans un hommage au Joker, qui trouve son point culminant dans le 9ème épisode et la dernière démonstration sur scène de Fred Testot. Le 9ème épisode se termine sur une renversement des valeurs (et une chanson appelée à devenir culte) et une scène post générique cynique à souhait sur la politique.

“Faire rire les gens pour faire battre leur cœur”

On aime moins ?

On ne cachera pas qu’on a eu du mal à rentrer dans cet univers passé l’exposition réussie. Le jeu n’est pas toujours très juste, et un sentiment de malaise se fait parfois ressentir face à certaines propositions. A commencer par une habitude bien française de souvent désamorcer l’anticipation effrayante par de l’humour. Au point qu’ici, il faille attendre un certains temps avant de véritablement “trembler” pour les personnages. A trop de burlesque, les Ajusteurs ne paraissent pas assez terrifiants et trop “grotesques” ce qui est vraiment dommage. De même, pour une série qui parle d’humour, on est régulièrement désarçonné par l’humour utilisé dans la série et qui tombe souvent à côté.

Mais c’est bien sur le message politique autour de l’humour que l’on a parfois eu du mal à trouver notre place. Rictus traite non seulement de l’humour mais aussi de la responsabilité du maniement de l’humour (“un grand pouvoir de grandes responsabilités“, vous connaissez l’adage). De même que la liberté d’expression ne peut pas être totale, la série nous explique – par l’absurde – que l’humour non plus. Et la série navigue constamment sur une ligne de crête extrêmement “casse-gueule” : elle dénonce les dérives d’une société trop bien-pensante qui aurait proscrit l’humour … tout en portant un jugement (par exemple avec sa chanson finale) sur une forme d’humour qu’elle ne veut pas cautionner. Le tout porté par une génération d’humoristes brillants mais qui ont eux-mêmes été très loin et qui expliquent aujourd’hui qu’il y a des choses sur lesquels il ne faut pas rire. Comme si on avait deux humours qui se regardent face à face et qui évidemment ne peuvent pas se comprendre, le tout à coup de remarques bien senties : “Le peuple a toujours raison … surtout quand il aime nos chansons”, disent les chanteurs officiels de cet univers. Une attaque à peine déguisée contre les dérives populistes d’une certaine “culture de masse”.

A voir aussi : Aspergirl (10×26 minutes – OCS) | La loi des séries #685 | VL Média (vl-media.fr)

Cet article On regarde ou pas ? Rictus, le nouvel OVNI de OCS est apparu en premier sur VL Média.