On regarde ou pas ? Samhain de Kate Dolan

Grisaille, froid glacial, folklore irlandais et feu de bois, Samhain détonne pour ce premier film signé Kate Dolan (avec qui nous avons pu échanger), et qui remplit tous les codes d’un bon film d’horreur !

C’est quoi Samhain ? Dans une banlieue froide des alentours de Dublin, vit une jeune fille introvertie et solitaire. Alors qu’elle est en retard pour aller en cours un matin, sa mère, qui semble assez diminuée, l’accompagne. A son retour sa mère a disparu, laissant Char (la jeune fille) seule avec sa grand mère. Tout le film fait écho au folklore irlandais, et notamment ces histoires mystiques qu’on peut rapprocher de Samhain, le jour où le monde des morts est le plus proche de celui des vivants. Ce jour annonce l’hiver et se rapproche de ce qu’on appelle aujourd’hui Halloween. C’est juste avant cette période que la mère de Char disparait. Mais lorsque cette dernière regagne le foyer familial, la grand mère de Char lui dit que sa mère a changé. Des forces maléfiques se seraient emparées d’elle, la mère se transforme alors petit à petit. Char va progressivement découvrir des choses sur elle et tenter de sauver sa mère.

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L’essentiel

La réalisatrice irlandaise Kate Dolan puise dans son enfance et sa culture pour signer un premier film très qualitatif. Ce film nous plonge dans le quotidien de Char, ce quotidien est un monde hostile aussi bien à la maison qu’en dehors où elle se fait maltraiter par ses camarades. Ce film nous fait prendre conscience de l’importance du folklore irlandais, de Samhain, fête bien plus ancienne et mystique que la fête commerciale de Halloween. Kate Dolan n’hésite pas à puiser dans ses souvenirs traumatisants d’étudiante pour faire le portrait d’une adolescente bien seule, qui doit faire face à sa famille, une famille qui se révèle aussi froide qu’obscure.

Avec un budget de seulement 400 000 euros, Kate Dolan a réalisé un film visuellement extrêmement bon, avec une narration qui nous amène petit à petit, comme les pages d’un livre, au coeur du sujet. A mesure que la mère se transforme, Samhain approche et la tension atteint son acmé à ce moment-là. La réalisatrice voit les films d’horreur comme une façon de se libérer de ses peurs. Elle a réalisé ce film de genre avec brio, qui fait honneur au femmes (les plus gros rôles sont campés par elles). Ce film traite également des problèmes mentaux, de l’insécurité des jeunes filles et de la fatalité qui nous saisit, face à notre famille et à nos racines.

On aime

Ce qui est honorable c’est cette narration douce, à pas de loups, avec un décor, des personnages et des péripéties qui arrivent juste au bon moment. A un timing qui permet de plonger délicatement le spectateur dans l’univers folklorique celte d’une banlieue irlandaise. Le rythme accroche le spectateur et le plonge dans un univers original. De plus, visuellement les mouvements de caméra, les plans et tout l’aspect esthétique du film est de très grande qualité. Pour un film avec si peu de budget il est comparable à The badabook (2014) en terme de décor et d’esthétique, qui avait pourtant un budget cinq fois plus gros.

Au delà de l’aspect esthétique du film, le film traite de thèmes profonds et sincères, la famille, la culture, la jeunesse et la maladie. Tout le monde peut s’y reconnaitre, sauf que c’est bien sur sous couvert d’un monde surnaturel et effrayant ! Mais la réalisatrice Kate Dolan n’a pas hésité à parler de sa propre histoire, or comme dit Bong Joon Ho « The most personal, the most creative« . C’est donc un film personnel, sans concession avec une équipe jeune et qui a mis énormément de coeur à l’ouvrage selon les dires de la réalisatrice. C’est ce qui fait que ce film est un très bon premier film. Sans compter les quelques scènes vraiment effrayantes qui ponctuent le récit, aux moments opportuns. Heureuse nouvelle pour les amateurs de grands frissons !

« Les films d’horreur permettent de mieux saisir nos peurs »

Kate Dolan

On aime moins

Là où le film pêche c’est peut-être au niveau du scénario. Char la pauvre jeune fille qui se fait maltraitée à l’école, entame une amitié avec Susan, une autre fille de sa classe. Mais cette amitié, à part montrer que sa mère et sa grand mère sont de plus en plus bizarres, ne va nulle part. De plus, l’oncle de Char, le frère de sa mère malade, est assez présent au début du film pour aider la famille mais ne montre pas une once d’empathie pour Char qui supporte une mère aussi folle. Pourtant son caractère ne dénote rien qui devrait le rendre si peu antipathique avec sa nièce. Ainsi ces deux personnages manquent de corps et servent trop à faire exister les autres.

Un autre point qu’on aurait aimé voir davantage développé, c’est justement tout ce vieux talon du folklore celte. Ces sacrifices de bébé qu’on effleure à l’image, mais sans s’aventurer dans des explications ou des évènements qui donnent corps à ses légendes. On ressent l’importance et la noirceur de ses mythes sans jamais en connaitre davantage : même à l’oral quand la grand mère évoque les changeling (ces nouveau-nés échangés à la place de démons) ni à l’image. Si ce n’est le nouveau né qu’on voit se faire placer au milieu d’un feu au début du film. Ces mythes intriguent et on aurait aimé en apprendre plus. A part cela, le film est un très beau pari, et dévoile surtout une réalisatrice qui promet. Elle a d’ailleurs déjà deux autres films en préparation !

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